Search picto Magnify Search picto Close

Le portage salarial continue son processus de clarification

20/11/2018

Depuis sa naissance dans les années 80 en France, le portage salarial n’a cessé d’évoluer et de s’adapter pour répondre aux enjeux de flexibilité, de sécurité et d’emplois face aux mutations du marché du travail. L’ordonnance de 2015 et la convention collective nationale des salariés en portage salarial signée le 22 mars 2017 sont des points d’ancrage forts de cette pratique dans le paysage de l’emploi en France.

« Liaison sociales quotidien » consacre d’ailleurs un dossier complet (dossier n°202/2018 en date du 8 novembre) sur cette forme d’emploi atypique en revenant sur la convention de branche et les avenants déjà étendus ou en cours d’extension.

Retour sur le fonctionnement d’une forme d’emploi atypique

Le portage salarial permet à une personne (généralement appelé « consultant ») qui le souhaite de bénéficier à la fois de l’autonomie d’un indépendant et de la protection sociale du salariat.

La particularité du portage est que le consultant recherche lui-même ses missions auprès d’entreprises clientes et négocie ses prix. Il s’adresse ensuite à une entreprise de portage salarial et signe avec elle un contrat de travail, bénéficiant ainsi du statut de salarié.

L’entreprise de portage rédige quant à elle le contrat commercial avec l’entreprise cliente sur la base des éléments fournis par le salarié porté. Elle assure également la facturation de la mission et libère le salarié des contraintes administratives.

De plus en plus d’entreprises de portage salarial proposent également à leurs consultants un accompagnement personnalisé, des formations pour les aider à trouver des missions, et d’autres services utiles dans la gestion quotidienne de leur activité.

Le coût de ces services est supporté par l’entreprise de portage salarial, tandis que les cotisations salariales et patronales sont payées par le salarié porté.

Un modèle économique adapté aux spécificités du portage salarial

Le modèle économique des entreprises de portage salarial repose sur les frais de gestion qui leurs sont versés par les salariés portés.

C’est notamment grâce à ces frais de gestion que l’entreprise de portage peut offrir des services mutualisés à tous ses salariés.

En pratique, les honoraires négociés par le salarié porté sont versés par le client à l’entreprise de portage qui les place sur le compte d’activité du consultant.

À la fin du mois, une fois que le salarié porté a renseigné son compte rendu d’activité pour permettre à l’entreprise de portage salarial d’établir sa fiche de paie, celle-ci procède à une transformation de ses honoraires en salaire en y prélevant les cotisations sociales et patronales.

 

Des charges imputables élargies, liées à l’activité du salarié porté

Au paiement de ces cotisations salariales et patronales « classiques », s’ajoute le financement de certaines charges directement liées à l’activité du salarié porté (responsabilité civile professionnelle, impôt et taxes assis sur le chiffre d’affaires …).

L’entreprise de portage ne fait aucun bénéfice sur ces prélèvements.

Celle-ci prélève l’argent auprès des salariés portés et le reverse aux divers organismes collecteurs. Elle doit dans ces cas, faire preuve d’une grande transparence et informer ses salariés portés. En effet, si ce fonctionnement permet d’assurer la viabilité du modèle économique du portage salarial, il n’en reste pas moins que certaines pratiques douteuses ont pu voir le jour.

Il existe depuis mars 2017 une convention collective signée entre tous les acteurs du portage salarial et les principaux syndicats français. En avril 2018, un avenant est venu apporter des précisions sur la détermination des prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges financées par le salarié porté.
 

 

Vers une clarification et une transparence des pratiques

Soucieuses d’encadrer les dérives potentielles, et d’apporter de la transparence, les organisations syndicales et patronales représentatives du secteur (PEPS) ont négocié un premier avenant sur le sujet de la facturation de ces charges additionnelles. Celui-ci éclaire les modalités de prélèvement des taxes et impôts et acte le principe d’un financement, par les salariés portés, des impôts et charges liés directement à leur activité.

Interrogé sur la validité de ces prélèvements, Maître Christian COURSAGET du cabinet AYRTON AVOCATS, spécialiste du portage salarial, nous livre son avis :

« La loi* évoque les « prélèvements sociaux et fiscaux » qui sont prélevés sur le salaire du salarié porté. La convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017, étendue, prévoie dans son article 21.2 que les prélèvements fiscaux et les « autres charges » sont imputés sur le salaire du salarié porté. L’avenant n°2 du 23 avril 2018, en cours d’extension, a précisé et élargi la liste de ces charges imputables. Par conséquent, sous réserve de l’information du salarié et – par prudence – de l’obtention de son consentement, l’imputation de ces charges sur le salaire du salarié porté semble conforme aux dispositions conventionnelles dès lors de l’effectivité de leur reversement. »

Pour
illustrer cette pratique, prenons l’exemple de la Cotisation sur la Valeur
Ajoutée des Entreprises (CVAE). Cette cotisation assise sur la valeur ajoutée,
traditionnellement supportée par l’employeur, peut être financée par les
salariés portés du fait du modèle économique des entreprises de portage
salarial.

Les entreprises de portage qui réalisent un
chiffre d’affaires supérieur à 500 000 euros (seuil de déclenchement de la
cotisation) doivent s’acquitter d’un montant compris entre 0 % et 1,5 % de leur
valeur ajoutée.

Une fois le taux d’imposition connu, les
entreprises de portage peuvent répartir ce montant sur l’ensemble des salariés.
Le taux de prélèvement affecté peut être légèrement différent du taux de
l’entreprise du fait des assiettes d’imposition différentes.

Cette opération est neutre pour l’entreprise de
portage salarial et ne doit pas être associée à certaines pratiques douteuses
et notamment à la surfacturation des charges indues mis en œuvre par une
minorité d’acteurs du secteur.

 

 

Surfacturation des charges patronales ou taxation de charges indues : des pratiques illicites et condamnables en marge du secteur

Afin d’afficher des taux de gestion plus faibles pour des raisons concurrentielles, quelques entreprises ont utilisé des pratiques parfois douteuses, ou totalement illicites relevant de la fraude fiscale, en prélevant (ou surfacturant) de taxes indues aux salariés portés, directement sur sa fiche de paye.

Plusieurs situations peuvent se présenter :

    • Une entreprise de portage fait payer au salarié porté une taxe dont elle-même ne doit pas s’acquitter : par exemple la C3S, alors que celle-ci n’y est pas assujettie au vu de son chiffre d’affaire ;

 

    • Une entreprise de portage surfacture une taxe ou un impôt au salarié porté, par exemple en multipliant par deux ou trois le montant de la cotisation dont il aurait normalement dû s’acquitter ;

 

    • L’entreprise de portage fait payer ses charges d’exploitation (eau, électricité, …) au salarié porté (par exemple en les incluant dans une ligne « autres charges » sur la fiche de paie). En procédant ainsi, l’entreprise peut afficher des taux de gestion plus compétitifs tout en préservant sa marge.

 

 

 


*Article L.1254-21 du code du travail