Interview Guide de Joël BLONDEL, Directeur général de l’ARPE

08/11/2022

Nous avons le plaisir aujourd’hui d’interviewer Joël BLONDEL, le directeur général de l’ARPE !

Nous vous parlions de cette nouvelle autorité de régulation des plateformes de l’emploi (ARPE) dans notre dernier article intitulé « Travailleurs des plateformes, un nouveau dialogue social pour les indépendants ? ».

Nous souhaitions en savoir plus et échanger avec l’un de ses membres, ils nous ont fait le plaisir de nous contacter suite à la lecture de l’article !

L’occasion était trop belle pour l’équipe du Guide de poser toutes les questions qui nous taraudent l’esprit depuis sa mise en place.

Bonne lecture !


Monsieur Joël BLONDEL, enchanté et merci pour votre disponibilité. Avant d’entrer dans le vif du sujet : qui êtes-vous, quel est votre parcours, et pourquoi avoir choisi l’ARPE comme nouveau défi ?

J’ai passé ma carrière professionnelle dans les domaines du travail et de la solidarité au service de l’Etat.

J’ai notamment été chef de service de la direction générale du Travail au milieu des années 2000, puis directeur régional de la DIRECCTE (ndlr : devenue DREETS aujourd’hui) d’Ile de France lors de sa mise en place. J’ai ensuite exercé comme directeur de l’administration générale du ministère du Travail, et enfin je suis devenu directeur des ressources humaines au sein des ministères sociaux, avant d’être nommé à l’IGAS.

Une de mes missions était justement de m’occuper du dialogue social, non pas comme négociateur mais comme « animateur » je dirais : on peut donc dire que je connais plutôt bien le sujet.

Pourquoi ai-je choisi l’ARPE comme nouveau défi ?

Tout d’abord, comme je le disais, le dialogue social m’intéressait, et m’intéresse toujours beaucoup : je crois comprendre et maîtriser assez bien ses tenants et ses aboutissants.

Ensuite, je reconnais que le fait de pouvoir participer à la cocréation d’un nouveau dispositif original, porteur d’un projet auquel j’étais sensible aussi bien socialement qu’intellectuellement, m’a conduit assez naturellement à proposer ma candidature.

Je découvre depuis le secteur des travailleurs des plateformes, que je ne connaissais pas très bien, si ce n’est théoriquement, donc j’apprends, et c’est passionnant !

 

Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce qu’est l’ARPE, et quelles sont ses principales missions ?

L’ARPE est un établissement public, un organisme autonome, placé sous la tutelle des ministères du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et celui de la Transition écologique chargé des Transports.

La vocation de cette autorité est de mettre en place, et de faire vivre le dialogue social entre les travailleurs indépendants chauffeurs VTC, et livreurs de marchandises et les plateformes de mise en relation par voie électronique avec lesquelles ils exercent leur activité.

La première mission de l’ARPE était donc d’organiser des élections pour ces travailleurs. C’est chose faite, les résultats ont été publiés au journal officiel le 26 juin pour les livreurs et le 28 juin 2022 pour les VTC.

Dans la continuité naturelle de cette mission, nous avons mis en place une protection des représentants de ces travailleurs indépendants dans le cadre de l’exercice de leur mandat. Dans l’hypothèse où une plateforme déciderait de ne plus recourir aux services d’un représentant de ces travailleurs, notre mission sera de vérifier si les faits reprochés sont en rapport avec le mandat ou pas, et de donner le cas échéant notre accord préalable, ou non, dans le cas d’une rupture du contrat commercial entre le travailleur et la plateforme.

Une autre mission, en miroir de la première, était évidemment la désignation des organisations représentatives des plateformes elles-mêmes. C’est chose faite également, l’API (ndlr : l’Association des plateformes d’Indépendants) est la seule organisation pour les représentants des livreurs, et pour les VTC il y a en plus la FFTPR (ndlr : la Fédération française du transport de personnes sur réservation).

Les fondations posées, je l’ai dit, une des principales missions de l’ARPE est de faire vivre le dialogue social dans le secteur : concrètement et outre l’accompagnement qu’elle proposera aux négociateurs, l’organisation a le pouvoir d’homologation des accords négociés afin de les rendre applicables à toutes les plateformes et tous les travailleurs du secteur.

Autre prérogative importante, le rôle de médiateur de l’autorité en cas de conflit individuel entre les travailleurs et les plateformes sur les questions d’interprétation des accords notamment.

Enfin, l’ARPE joue aussi un rôle d’observatoire du secteur, comme dans une branche classique finalement. Ce rôle comprend la production d’études et de divers travaux sur le secteur, des chiffrages à partir de données demandées la plupart du temps aux plateformes elles-mêmes ou disponibles dans certains ministères.

La gouvernance de l’ARPE est organisée autour d’un conseil d’administration de vingt et un membres composé de représentants des différentes directions d’administration centrale du travail, infrastructure et mobilité notamment, avec pour Président Bruno METTLING, trois personnalités qualifiées, puis un représentant de chaque organisation représentative des travailleurs et des plateformes.

Son rôle est de fixer les orientations stratégiques de l’établissement, voter son budget, déléguer au directeur général des compétences comme la signature de marchés publics, ester en justice, ou encore fixer les orientations générales de l’organisation des élections...

Ensuite, il y a le conseil des acteurs des plateformes qui sera mis en place d’ici la fin de l’année, voire début d’année prochaine. Ce seront les mêmes représentants que ceux du CA, mais on ajoute également des représentants des consommateurs, des représentants des organisations professionnelles du secteur des hôtels, cafés, restaurants, mais aussi des collectivités territoriales et quelques personnalités qualifiées supplémentaires. Ce conseil aura pour mission principale de conduire des travaux de réflexion destinés à apporter une vision prospective je dirais sur des problématiques liées au dialogue social, à l’évolution du travail dans le secteur : c’est un peu le CESE (ndlr : le Conseil économique social et environnemental) de l’ARPE, il a vocation à enrichir le débat avec une réflexion plus systémique, une vraie prise de hauteur.

Je tiens à préciser que ces instances de gouvernance n’interviennent à aucun moment dans les travaux propres au dialogue social.