Assurance chômage des indépendants : l’ATI, le retour du comeback !
L’allocation des travailleurs indépendants, ATI pour les intimes, fait son retour sur le devant de la scène !
L’assumé coupable : Stéphane Vitry, député du groupe LIOT des Vosges, qui a déposé une proposition de loi (PPL) le 11 mars dernier « visant à garantir une protection sociale équitable aux indépendants en simplifiant l’accès à l’allocation des travailleurs indépendants. » Tout un programme.
Disons le tout de go, amis portés, l’ATI, même sans sa version potentielle remasterisée 2025/2026, n’arrivera pas à la cheville des avantages du statut du portage salarial.
Il s’agit ici plutôt d’aller dans le sens de l’histoire et de l’évolution de l’emploi, et finalement celui des réformes du financement de la protection sociale : c’est la CSG qui paye en partie l’assurance chômage aujourd’hui (depuis 2019) et non les cotisations salariales, donc les indépendants et entrepreneurs y contribuent également 😉.
On peut aussi y voir, à l’instar de notre député du jour une « forme de reconnaissance de cette prise de risques et de cet effort de contribution à l’activité économique du pays ». C’est beau, allez on la garde ! 😉.
C’est parti, on vous fait un petit rappel de ce qu’est l’ATI aujourd’hui et on revient sur ce que propose Monsieur Vitry !

L’ATI : la création de l’assurance chômage des indépendants
Si l’on veut simplifier, l’ATI est aux indépendants ce que l’ARE est aux salariés, c’est-à-dire un revenu de remplacement en cas de cessation ou de perte de son activité professionnelle. La principale différence est que l’ATI est moins bien en tous points que son « homologue » ARE, mais il faut comparer ce qui est comparable.
Née en 2019, l’ATI est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron :
Problème déjà à l’époque, craignant des effets d’aubaine, le gouvernement fixe des critères pour bénéficier de l’ATI bien trop restrictifs. Et au-delà des critères d’accès, son montant (très faible) et sa durée d’indemnisation (très courte) n’en faisaient pas une solution miracle.
L’étude d’impact de la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel, qui crée l’ATI en 2018, estime le coût de l’ouverture de l’indemnisation du chômage aux travailleurs indépendants à 140 millions d’euros pour 29 300 bénéficiaires.
Premier bilan :
– En novembre 2020, 800 dossiers ont abouti à une indemnisation pour un coût financier de 3,1 millions d’euros ;
– Le 26 février 2021 : 911 dossiers ont abouti à une indemnisation…
– Le 18 juin 2021, on comptabilise un total de 1 036 ouvertures de droit au titre de l’ATI.
– Près de 75 % des dossiers de demande d’ATI sont rejetés par Pôle emploi à l’époque sur le fondement de la non-atteinte du revenu minimum de 10 000 € en moyenne par an sur les deux dernières années…
Au vu de cet échec incontestable, une réforme est initiée en 2022 portant principalement sur la modification des critères de la cessation involontaire et définitive d’activité et des modalités de fonctionnement du seuil des 10 000 euros d’activité.
Ainsi, pour celles et ceux qui ont cessé leur activité à partir du 1er avril 2022 :
- S’ajoute au redressement et à la liquidation judiciaire l’arrêt de l’activité si elle est devenue économiquement non viable. La non-viabilité économique devant se justifier par une baisse d’au moins 30 % des revenus, et attestée par un tiers de confiance tel qu’un expert-comptable ou une chambre consulaire ;
- Les 10 000 € de revenus doivent être perçus au moins au cours de l’une des 2 dernières années civiles précédant l’année de la cessation d’activité, et plus en moyenne sur les deux années. L’objectif était ici de prendre en compte la variation importante des revenus de certains indépendants d’une année sur l’autre et ainsi élargir le dispositif.
Second bilan après la première réforme :
- En 2023 : 1400 personnes ont ouvert des droits au titre de l’ATI ;
- En 2024 : 123 dossiers par mois acceptés pour une enveloppe d’environ 6 millions d’euros par an selon une note de l’UNEDIC remise au gouvernement le 23 avril dernier.
On est toujours loin des 29 300 bénéficiaires prévus il y a 5 ans et de l’enveloppe des 140 millions d’euros dédiés…
D’ailleurs ce n’est pas (que) moi qui le dis !
La Ministre du Travail Astrid PANOSYAN-BOUVET, le 28 avril dernier tout en défendant devant les parlementaires les améliorations incontestables du nombre de personnes bénéficiant de l’ATI depuis 2019 reconnaissait elle-même que « nous sommes loin du compte ».
Chômage des indépendants, vers une vraie réforme ?
En tous cas c’est le souhait de Stéphane Vitry. Dans son interview avec Jérôme LEPEYTRE pour l’AEF, il n’y va pas de main morte quand il parle de l’ATI : « c’est un échec en l’état. Un échec par rapport aux objectifs initiaux et un impact non atteint des correctifs apportés en 2022 ».
Pour lui, « cette PPL a surtout pour objet de mettre le sujet dans les radars », tout en espérant « un débat plus large afin de remettre à plat les conditions du travail indépendant ». Tout un programme.
La proposition de loi vient aussi « cranter le sujet » afin d’éviter une réforme 2022 bis qui se contenterait de simplement dépoussiérer les critères en vigueur.
Alors, quelles sont les principales propositions de réforme ?
La proposition de loi propose 5 nouveaux articles, passons-les rapidement en revue.
Article 1er : clarifier le champ d’application de l’ATI
Aujourd’hui, effectivement, la liste des activités donnant droit à l’ATI exclut certains travailleurs non-salariés. L’article 1er de la loi est donc simple comme de l’eau de roche, préciser que les travailleurs indépendants pouvant bénéficier de l’ATI à l’article L. 5424-24 du Code du travail sont : « l’ensemble des travailleurs non‑salariés ». Voilà, simple, efficace.
Article 2 : l’introduction de la liquidation amiable dans les critères de cessation d’activité
On va s’arrêter un instant là-dessus, je pense que c’est l’ajout le plus intéressant, et le plus foufou 😉.
Rappelons que la liquidation amiable est une procédure qui permet de mettre fin à son activité de manière volontaire, sans cessation de paiement, en dehors de toute procédure judiciaire. On le voit cela n’a plus rien à voir avec les critères ultra restrictifs précédemment fixés.
Mais notons que la PPL précise « liquidation amiable dès lors qu’elle vise à anticiper une cessation de paiement » !
Les décrets d’application, si la loi venait à être votée, nous en diront plus sur comment on sait que cela vise réellement à anticiper une cessation de paiement, mais bon, l’objectif en soi est louable : ouvrir un peu (beaucoup) plus le dispositif.
Article 3 : suppression de la condition de revenus antérieurs d’activité de 10 000 euros
Cette condition a fait l’objet de moult critiques et a surtout bloqué, malgré son assouplissement, bon nombre de demandes d’ATI. La proposition de loi vise donc à remplacer cette condition de revenus minimum par la mise en place d’un « chiffre d’affaires annuel moyen défini par décret sur les deux dernières années et attestant d’un travail réel et régulier dans la durée ».
Article 4 : mettre en place une meilleure information des droits des indépendants bénéficiaires de l’ATI
Une meilleure accessibilité et lisibilité des droits ? Je plussoie !
Deux manières de faire prévues par un possible nouvel article du Code du travail :
- Envoi d’une notice d’information par voie électronique ou postale à toute personne déclarant une cessation d’activité éligible à l’ATI ;
- Création d’une obligation d’information sur l’existence et les conditions d’éligibilité de l’ATI à la charge des experts-comptables, commissaires aux comptes, mandataires judiciaires, avocats et conseils aux entreprises ;
Article 5 : revoir la durée et les conditions de cumul de l’ATI avec une autre activité
L’idée est ici assez simple :
- Un indépendant qui suit une formation agréée par France Travail verrait la durée de son ATI prolongée. Pas idiot, cela faciliterait la reconversion professionnelle et le retour à l’emploi ;
- Cumul de l’ATI et d’un revenu d’une activité professionnelle remontée à 6 mois au lieu de 3 aujourd’hui.
Voilà en quelques mots. Intéressant même si l’on sent bien au vu des montants qui ne seront pas ou peu revalorisés (de l’ordre de 800 euros par mois) que l’on ne va pas révolutionner l’assurance chômage des indépendants.
Mais l’idée est de rouvrir le sujet de la protection sociale des indépendants qui on le sent bien crispe autant qu’elle suscite d’intérêts divers et variés…
Suite des discussions sur le sujet vers la fin mai, impatient de voir cette PPL plus avant discutée 😉
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