Portage salarial et fraude fiscale : l’administration fiscale sévit !
Echapper à l’impôt est une activité fort discutable, même si parfois lucrative, à laquelle s’adonnent certains avec beaucoup d’imagination.
La Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) épingle dans une note en date du 25 septembre 2025 une fraude fiscale utilisant justement le portage salarial à l’étranger.
A la clé, défiscalisation d’une partie des revenus, gain en termes de crédit d’impôts, allocation de retour à l’emploi abusive, bref, que du bonheur ou presque…
C’était sans compter sur la vigilance de notre administration fiscale qui depuis longtemps s’est dotée des outils nécessaires pour lutter contre ces montages fumeux.
Revenons sur la création d’une entreprise de portage salarial (EPS) en France rapidement, afin de nous rendre compte du chemin à parcourir, avant de nous intéresser à cette histoire de fraude au portage salarial à l’étranger et enfin à la position de la profession sur le sujet.

Entreprendre en portage salarial en France : des obligations strictes à respecter
Les obligations pour créer son entreprise de portage salarial sont nombreuses et strictes.
Citons les principales (articles L1254-24 et suivants pour les plus curieux) :
- Exercer à titre exclusif l’activité de portage salarial et seule une EPS peut conclure des contrats de travail… en portage salarial ;
- Gérer le compte d’activité du salarié porté ;
- Justifier d’une garantie financière pour prévenir une éventuelle défaillance de paiement ;
- L’activité d’entrepreneur de portage salarial ne peut être exercée qu’après déclaration faite à l’autorité administrative (inspection du travail en l’occurrence) et l’obtention de la garantie financière ;
- Prise en charge des frais de médecine du travail.
On notera, et c’est important pour la suite, que la déclaration préalable à l’inspection du travail doit comporter des mentions non moins strictes et nombreuses (on ne citera que celles qui nous intéressent) :
- L’indication de l’opération envisagée : création d’une entreprise de portage salarial, ouverture d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau annexe, déplacement du siège ou cessation d’activité ;
- Le nom, le siège et le caractère juridique de l’entreprise ainsi que, le cas échéant, la localisation de la succursale, de l’agence ou du bureau annexe ;
- Les nom, prénoms, domicile et nationalité des dirigeants de l’entreprise, de la succursale, de l’agence ou du bureau annexe intéressés ;
- La désignation de l’organisme auquel l’entreprise de portage salarial verse les cotisations de sécurité sociale ainsi que son numéro d’employeur ;
- Les domaines géographiques et professionnels dans lesquels l’entreprise entend porter ses salariés ;
Si nous appliquons ces éléments à notre cas d’espèce, nul doute que la société étrangère « de portage salarial » dont il est question dans la note de l’administration ne remplissait pas les obligations précitées 😉.
Fraude fiscale et portage salarial : la fausse EPS étrangère
Grâce à l’article 155 A, I. du Code général des impôts, l’administration fiscale peut imposer en France les rémunérations de services rendus par un prestataire établi en France, même lorsque ces rémunérations sont versées à un tiers établi à l’étranger.
L’administration fiscale dans sa note du 25 septembre 2025 explique le procédé utilisé par les fraudeurs.
Une personne résidente fiscale française (Monsieur X) réalisait des missions diverses et variées pour ses clients en France sous le statut d’indépendant.
Il s’est rapproché d’une entreprise fonctionnant dans les grands traits comme une EPS mais basée à l’étranger qui a pris pour son compte les facturations, la gestion administrative et la relation contractuelle avec les clients de Monsieur X basé en France initialement.
Dans l’exemple donné, « l’EPS » servait uniquement de boîte aux lettres et surtout permettait au jeune homme de dissimuler « sa qualité de prestataire réel et de bénéficiaire effectif des sommes versées par les clients, ce qui lui permettait de se soustraire à l’imposition de ses revenus professionnels liés à une activité pourtant exercée en France ».
Comme on l’a vu précédemment, une EPS française doit respecter de nombreuses règles strictes, cumulatives, de sa création à sa gestion quotidienne, contrairement à cette « coquille vide » sans activité économique réelle uniquement créée pour contourner la législation fiscale de notre belle patrie ! Non mais…
La note indique en outre que Monsieur X pouvait également rompre son contrat de travail « fictif » et bénéficier potentiellement des allocations au retour à l’emploi en France, voire bénéficier du crédit d’impôts applicable en cas de double imposition quand on a une activité à l’étranger et en France.
Et là, on en a gros… alors la DGFiP a brandi l’article 155 A du CGI, lui permettant, ce qu’elle appelle joliment, un « rehaussement » des sommes non versées… Et là, c’est le drame…
Redressement/rehaussement fiscal : attention, la note est salée
- Les sommes perçues par ces sociétés étrangères sont imposées au nom des consultants, comme si ces sociétés n’avaient jamais existé; ouch…
- Les rappels d’impôt sur le revenu et la reprise des crédits d’impôt indus assortis de l’intérêt de retard et d’une majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses…
Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle alors qu’en France on peut légalement utiliser le portage salarial et que c’est déjà fort avantageux ?
Le PEPS en soutien de l’administration fiscale
Une organisation patronale qui va dans le sens de la Direction Générale des Finances Publiques ??? C’est une plaisanterie me direz-vous …
Mais pour nous qui connaissons bien le secteur, nous ne sommes pas surpris. En effet, le PEPS, la principale organisation patronale représentative du portage salarial, a pris sa plume dès la sortie de cette note pour soutenir la position de la DGFiP.
Sans surprise parce que les leaders de la profession sont dans une dynamique de transparence depuis de nombreuses années déjà.
Après les grandes étapes de sécurisation du secteur dont on citera les principales, ordonnance de 2015, et convention collective de branche de 2017, les principaux acteurs de la profession ont voulu aller encore plus loin pour donner des gages de sérieux et de visibilité au dispositif.
Le label du PEPS, élaboré avec AFNOR Certification va justement dans ce sens de plus de transparence et de lisibilité.
C’est une preuve également de crédibilité ne l’oublions pas vis-à-vis des entreprises clientes qui souhaitent travailler avec des salariés portés.
« Le PEPS poursuit son engagement pour un portage salarial éthique, sécurisé, et pleinement reconnu comme un modèle d’équilibre entre liberté et protection ».
A bon entendeur…
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