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Interview de Fabien SALICIS, co-fondateur d’Openwork

25/11/2020

Vivre le présent, penser l’avenir, deux choses normalement si simples qui aujourd’hui relèvent de la gageure. Pour alimenter cette réflexion, il nous a semblé particulièrement intéressant de donner la parole aux dirigeants d’entreprise de portage salarial, afin de partager avec eux leurs doutes et leurs craintes face à la crise, mais aussi et surtout leurs ressources, et leurs espoirs pour demain.

Pour ce premier épisode, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Fabien SALICIS, directeur adjoint et co-fondateur d’Openwork, société de portage française également basée à Londres et Bruxelles.

C’est parti pour la première interview des entrepreneurs du portage salarial !

Bonjour Fabien, avant d’échanger avec toi sur la situation actuelle, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi, ton parcours et ce qui t’a amené au portage salarial ?

Avant de rejoindre le portage salarial, j’ai passé un peu
plus de 5 ans dans le secteur pétrolier au sein de la société Geoservices. C’est
un univers particulier qui fait appel à de nombreux indépendants à travers le
monde, et qui a un fort besoin de structuration dans la gestion quotidienne de
tous ces freelances. Cette expérience m’a également montré à quel point il
était essentiel pour les consultants de bénéficier d’un accompagnement tant en
termes de protection commerciale, sociale ou encore administrative.

Lorsque j’ai quitté la société en 2010 pour créer OpenWork (qui s’appelait à l’époque Le
Monde d’Après) avec 3 collègues dont 2 de la société, nous avons découvert le
système du portage salarial qui nous a paru réunir ce triptyque de protections. Nous
avons alors décidé de créer une entreprise de portage salarial (EPS), et,
rapidement, nous avons intégré le PEPS,
l’organisation représentative du secteur. Cela nous a aidé à mieux et plus
rapidement connaître le fonctionnement de l’activité.

Lorsque nous avons débuté notre exploration de cette forme
d’activité qui commençait à entrevoir une légalisation (qui n’est véritablement
intervenue qu’en 2015), nous nous sommes aperçus que les sociétés de tous les
secteurs avaient en réalité les mêmes besoins de structuration de la gestion
des indépendants. Afin d’analyser en profondeur les besoins d’un consultant en
mission, nous nous sommes donc lancés nous-mêmes sous ce statut pendant 5 ans
en parallèle de la création d’OpenWork.

Du chemin a depuis été parcouru : en 2016,
nous comptions environ 200 consultants au sein de notre EPS, en 2020,
nous avons une communauté de 1000 indépendants qui utilisent notre service
chaque année !

 

Est-ce que tu peux partager avec nous ta vision du portage ?

Elle se résume simplement par notre slogan :
« OpenWork, protecting freelance anywhere ». Pour nous le portage salarial
représente vraiment ce triptyque de protections que le consultant peut acquérir
en 15 minutes chrono en nous rejoignant.

En résumé, le portage salarial
c’est pour moi avant tout :

  • La protection commerciale ; c’est ce qui permet
    de structurer la prestation du consultant. Les EPS le conseillent sur les
    tenants et aboutissants de son contrat commercial et de ses clauses, opèrent la
    facturation et les relances pour le paiement, prennent les assurances adéquates
    et structurent les mécanismes pour lui permettre d’être payé en temps et en
    heure ;
  • La protection sociale ; là c’est
    automatique, la loi le prévoit : elle se fait par l’affiliation directe au
    régime du salariat en France (assurance maladie, retraite, prévoyance,
    mutuelle, pôle emploi, régime général de la formation) ;
  • La protection administrative et financière ;
    il s’agit des déclarations sociales et fiscales auprès des différents
    organismes, qui sont gérées par les sociétés de portage salarial.

Notre point fort chez OpenWork est d’avoir mis en place une
protection maximum, pour un minimum de temps passé par le consultant. Notre
objectif est qu’il ne passe pas plus de 5 à 10 minutes par mois sur toutes ces
questions administratives. Après 10 ans de développement et pas mal
d’investissements, nous avons réussi à créer une expérience utilisateur système
et humaine plutôt efficace. Mais il reste encore beaucoup de choses à faire.

 

Comment tu présentes le dispositif pour séduire de nouveaux salariés portés ? Qu’est-ce qui vous différencie chez Openwork sur le marché très concurrentiel du portage salarial ?

On le présente simplement en détaillant les trois
protections et la nécessité d’y penser lorsqu’on se lance en tant que Freelance,
puis le côté relativement instantané de la démarche : une inscription en
15 minutes, simple, via un formulaire. C’est encore plus rapide que de créer sa
micro-entreprise, et bien plus protecteur ! (rires)

Je mets également en avant l’accompagnement que nous
proposons sur la partie humaine et je parle de la communauté créée par les
consultants d’OpenWork. C’est toujours un plaisir de voir des personnes qui
utilisent notre service depuis plus de dix ans, et l’animation qui s’est créée
avec notre écosystème de consultants et de partenaires.

Enfin, je parle aussi du fait que nous réinvestissons
directement 80% de notre marge pour améliorer le système et aider la communauté
grâce à une équipe réactive qui organise des ateliers, des webinaires, des soirées
ou encore des conférences.

Je précise en fin de présentation que nous sommes les
premiers à avoir établi des frais de gestion fixes et uniques de 7% plafonnés à
600€, et qui n’ont pas subi d’inflation ces dix dernières années. C’est un
argument important (rires).

Sur le second sujet, au terme « concurrents », je
préfère celui de « confrères » : tous les entrepreneurs du
secteur souhaitent avant tout aider les indépendants à lancer leur activité le
plus simplement et le plus rapidement possible, et ce en toute sérénité. On
travaille beaucoup de concert avec les sociétés du PEPS et la promotion réalisée pour
la mise en place de l’activité partielle pour les mois de mars à juin est un bel
exemple de travail en intelligence collective avec les membres de
l’organisation.

 

Face à la crise, le portage a été durement impacté, comment as-tu géré cette situation exceptionnelle ? Qu’est-ce que ton équipe et toi avez mis en place pour aider les salariés portés à traverser cette période difficile ?

On a fait le maximum afin de les aider à absorber le choc
des suspensions et des fins de missions en mettant en place l’activité
partielle, puis le suivi des reprises de missions, l’animation de la communauté
en webinaires, l’actualisation du logiciel de paie avec les nouveautés liées à
cela. Nous avons également essayé d’être présents au niveau humain en mettant
en place un maximum de communication.

Une période parfois compliquée à gérer mais tant la
communauté de consultants, les partenaires que l’équipe ont avant tout été dans
l’optique de trouver des solutions là où les problèmes pouvaient avoir tendance
à s’accumuler.

Une période d’apprentissage intense, forcé et nécessairement
exploratoire car c’était une première ! Mais finalement, un très bon
apprentissage notamment sur notre capacité de résilience.

 

Au-delà de cette gestion de crise, parle-nous un peu de l’actualité d’Openwork, vos projets, vos ambitions ?

Depuis la rentrée, la tendance est plutôt à la reprise de
l’activité. Même si les besoins des entreprises se sont peut-être un peu
réduits, il y a fort à parier que les projets à venir vont avoir besoin de
consultants indépendants, et donc des personnes et des entreprises seront certainement
tentées par l’utilisation du système du portage salarial.

Nous travaillons beaucoup en ce moment sur l’expérience
utilisateur, utilisant les fruits de l’expérience de ces derniers mois  afin d’améliorer encore le temps de gestion et
le côté intuitif pour la communauté.

Nous avons développé l’offre pour les consultants en France,
en Royaume-Uni et en Belgique sur des concepts similaires et regardons
également si nous pouvons exporter cela sur d’autres pays.

 

Le portage salarial a globalement tenu ses promesses en matière de protection sociale face à cette crise sanitaire et économique. Pour l’avenir, tu vois des améliorations souhaitables du dispositif d’un point de vue légal au niveau de la branche ?

De manière plus générale, c’est quoi le « Monde d’après » en termes d’emploi pour toi ?

Sur le portage salarial, globalement, le PEPS a réalisé un
travail assez incroyable en termes de promotion et de négociation : c’est
grâce à eux que le dispositif a sa place aujourd’hui dans le Code du travail. Donc
actuellement, je ne vois pas d’amélioration particulière si ce n’est de
continuer à sécuriser la profession à travers la négociation de branche mais
surtout de la faire connaître encore plus largement.

Le fait que cette forme alternative d’activité ait été
légalisée et reconnue comme préservant les intérêts de toutes les parties
(consultants, clients de consultants, institutions), intégrée au système social
existant, tout en répondant aux besoins et appétences nouvelles des personnes
et des entreprises, constitue en soi ce que doit être le « Monde d’Après » :
celui qui garantit au freelance une totale protection de son activité, tout en
préservant son autonomie.

 

Un coup de gueule, un partage, une suggestion, une maxine, ou juste un merci … la parole est à toi …

C’est beaucoup plus un sentiment général de gratitude
vis-à-vis de la communauté de consultants et partenaires qui nous font
confiance depuis plus de 10 ans.

Je me sens également chanceux d’être dans un pays comme la
France qui depuis 50 ans a créé une ingénierie sociale extrêmement bien ficelée
pour protéger les gens. Elle a des défauts bien sûr mais quand je vois Michael
Moore dans son documentaire sur l’éducation, Where to Invade Next, citer notre
système social comme exemplaire (en prenant exemple sur notre fiche de paie),
ça fait quand même réfléchir sur l’environnement dans lequel on vit.

De manière générale, j’ai une envie profonde de continuer à
améliorer le système et de le généraliser à l’ensemble des consultants
indépendants afin de créer un nouveau WorkStyle !

L’équipe du Guide