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Portage salarial : du rebondissement dans la branche

24/05/2023

Le 12 avril dernier, le Conseil d’Etat annulait l’extension de l’avenant n°2 relatif à la détermination des prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges financées par le salarié porté, étendu il y a un peu moins de deux ans (le 26 juin 2021 précisément). Retour sur cet épisode et ses conséquences pour le secteur.

Retour sur les prémices de cette série à rebondissements

Nos lecteurs les plus assidus le savent. La convention collective du portage salarial (Convention collective de branche des salariés en portage salarial pour les puristes 😉) a été négociée en quelques semaines par les partenaires sociaux.

L’objectif était clair pour tout le monde. Après des mois (voire des années) d’un lobbyng intense auprès du gouvernement et de la direction générale du travail (DGT), le secteur ne pouvait pas se permettre de voir se refermer la fenêtre d’une possible extension par la DGT avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement.

En quelques mois, les partenaires sociaux ont réussi le double exploit :

  • De clôturer les négociations dans les temps (signature le 22 mars 2017 soit un mois à peine avant le premier tour de l’élection présidentielle) ;
  • D’aboutir à un texte signé par l’ensemble des organisations syndicales représentatives au niveau national (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC).

Bien évidemment, qui dit calendrier resserré dit sujets non traités. Les partenaires sociaux se sont donc engagés sur un accord de méthode permettant de parfaire l’encadrement conventionnel du secteur et très rapidement des avenants sont venus complétés le cadre conventionnel.

L’avenant n°2 est ainsi signé moins d’un an après l’extension de la convention collective (arrêté du 28 avril 2017 publié au journal officiel le 30 avril 2017). Il détermine les charges et prélèvements qui peuvent être prélevés sur le montant disponible d’un salarié porté par les entreprises de portage salarial (EPS).

Pour rappel, l’article 21 de la convention collective établit le montant disponible comme la différence entre le chiffre d’affaires du porté et les frais de gestion prélevé par l’EPS pour couvrir ses frais de structure et les services qu’elles proposent. Ce montant est ensuite affecté au paiement de l’ensemble des éléments suivants.

Extrait de l’article 21 :

– les cotisations sociales patronales, salariales et autres charges ;

– la rémunération brute mensuelle correspondant à la rémunération calculée en fonction du nombre d’heures ou de jours ou demi-journées déclarés dans le compte rendu d’activité ;

– la rémunération complémentaire éventuelle ;

– l’indemnité d’apport d’affaires de 5 % portant sur la rémunération brute mensuelle ;

– l’indemnité de congés payés ou compensatrice de congés payés ;

– l’indemnité de fin de contrat pour les salariés à contrat à durée déterminée ;

– les autres charges ou provisions, les prélèvements éventuels au titre de l’épargne salariale ;

– les prélèvements fiscaux ;

– les frais professionnels éventuels liés à la réalisation de missions ou à la prospection de missions.

Pour éviter les dérives, les partenaires sociaux ont décidé d’encadrer ce qui pouvait être considéré comme à la charge des salariés portés (libre ensuite à une entreprise de prélever ou non ces charges sur le montant disponible).

Extrait de l’avenant 2 :

« Les prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges, auxquelles est soumise l’entreprise de portage salarial, étant liés à l’activité directe du salarié porté, ne sont donc pas couvertes par les frais de gestion versés à l’entreprise de portage salarial.

Ces prélèvements sociaux et fiscaux et autres charges, intégralement financés par le salarié porté, se composent notamment de :

– autres contributions sociales obligatoires diverses réglées par l’entreprise de portage salarial notamment la médecine du travail et l’AGEFIPH ;

– prélèvements sociaux et fiscaux notamment la CVAE (contribution sur la valeur des entreprises), C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) ;

– autres charges qui couvrent les salariés portés, leurs activités, leurs biens et leurs avoirs, et tout autre risque et service lié à l’activité du salarié porté. »

Une extension tardive suivie d’une demande d’annulation express

Dans la dynamique des négociations de 2017, l’avenant n°2 est signé par l’ensemble des organisations syndicales. Une extension rapide de l’avenant (rappelons que seul un avenant étendu permet une application à tout le secteur) est donc attendue.

Il n’en est rien. Celle-ci, interviendra plus de trois ans après sa signature par les partenaires sociaux, probablement retardée par le revirement de la CGT (qui a retiré sa signature et lutté contre l’extension de l’avenant).

La CGT, rapidement rejoint par la FEDEP’S et 3 entreprises de portage, saisit le Conseil d’Etat pour faire annuler l’arrêté d’extension. Sa demande d’annulation porte sur plusieurs points.

  • Le délai extrêmement long de l’extension ;
  • L’absence de dispositions spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés ;
  • L’imputation des charges dues par l’entreprise aux salariés portés (CVAE, C3S, etc.) ;
  • L’intelligibilité de la norme qui doit être compréhensible de tous.

Au-delà des points de droits, la CGT considère que l’avenant n°2 favorise le prélèvement de frais cachés par les entreprises de portage. Une interprétation opposée à celle des signataires (PEPS, CFE-CGC, FO, CFTC et CFDT) qui avance justement le fait que cet avenant encadre ce qui peut être prélevé sur le compte consultant des salariés portés et évite donc les dérives que le secteur a pu connaître (financement des frais généraux sur les bulletins de paies notamment).

Ceux qui comprennent le fonctionnement du portage savent que les services proposés par une EPS sont financés par ses salariés portés. Il en est de même des impôts et prélèvements liés à l’activité des portés, que ceux-ci soient intégrés au frais de gestion ou non.

Nous n’avons de cesse de le répéter aux salariés portés et futurs salariés portés. Ne restez pas sur une simple comparaison du niveau des frais de gestion pour choisir votre entreprise de portage. Comparez les services, demandez des simulations et soyez attentifs à ce qui vous sera prélevé en plus des frais de gestion.

Annulation de l’extension et signature d’un nouvel avenant

Sans se prononcer sur le fonds, le Conseil d’Etat a pris la décision d’annuler l’extension de l’avenant n°2 le 12 avril dernier.

C’est l’absence de dispositions spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés qui a été retenue parmi les arguments avancés pour annuler l’extension. En effet, l’article L. 2261-23-1 du code du travail (en vigueur depuis le 24 septembre 2017) prévoit que :  » Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l’accord professionnel doivent, sauf justifications, comporter, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, les stipulations spécifiques mentionnées à l’article L. 2232-10-1 « .

Une décision au goût d’inachevé qui n’a dû faire aucun satisfait : la CGT parce que le fonds n’a pas été jugé, les signataires de l’avenant car son extension est annulée sur un point de détail.

La situation ne pouvait en rester là.

Et les partenaires sociaux ont vite rebondi. Quelques jours seulement après la décision du Conseil d’Etat, un nouvel avenant était mis à signature. Exit l’avenant n°2, bienvenue à l’avenant n°13. Celui-ci reprend la rédaction de l’avenant n°2 assorti d’un article pour satisfaire le Conseil d’Etat.

Extrait de l’avenant 13 :

Article 2

« Le présent accord ne comporte pas de stipulations spécifiques aux entreprises de moins de cinquante salariés. En effet, dans la mesure où il a pour unique objet de préciser les sommes que l’entreprise de portage salarial est en droit de déduire du prix versé par l’entreprise cliente avant paiement du salaire au salarié porté, cette opération, qui est totalement indépendante de la taille de l’entreprise, n’appelle pas de stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés. »

Il a été rapidement signé par les organisations patronales (PEPS et FEPS) et par une majorité d’organisations syndicales (CFE-CGC, CFDT et CFTC qui représentent 91 % du poids des OS représentatives dans la branche).

Nous devrions rapidement être fixé sur son extension puisque le ministère du travail a publié un avis relatif à l’extension le 10 mai 2023 laissant ainsi quinze jours, aux organisations et à toute personne intéressée pour faire connaître leurs observations et avis.

A suivre …