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CPF : encadrement de la sous-traitance, une opportunité pour le portage salarial ?

16/02/2023

La loi de finances 2023 et la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires, sont venues renforcer drastiquement l’encadrement du CPF. Parmi les mesures les plus médiatiques (et controversées), l’instauration d’un reste à charge pour les personnes souhaitant se former via le CPF. Mais la mesure qui nous intéresse aujourd’hui, de par son impact potentiel sur le secteur du portage salarial, est l’encadrement de la sous-traitance dans le cadre d’offres de formation CPF.

La fin d’une ère

Avec le lancement du site et de l’application « Mon Compte Formation » fin 2019, on pensait la formation professionnelle entrée dans une nouvelle dimension en matière d’expérience utilisateur. L’objectif est clair : faire de la formation un nouveau droit fondamental du modèle social français du XXIe siècle.

La promesse est belle : permettre à toutes personnes ayant acquis des droits à la formation d’accéder à un catalogue de formations référencées. Et surtout offrir la possibilité en 3 clics de choisir, de réserver et d’acheter en ligne sa formation sans aucun intermédiaire 24h sur 24h et 7 jours sur 7 (vous trouvez que j’abuse sur la formule ? je viens pourtant de citer un extrait du dossier de presse de présentation du CPF).

Malheureusement, le dérapage des finances de France Compétences (4,6 milliards d’euros de déficit en 2020, 3,2 milliards en 2021) et la médiatisation des arnaques au CPF auront eu raison de cette simplicité d’utilisation.

De nombreuses mesures sont ainsi venues encadrer l’utilisation du CPF et compliquer la vie des organismes de formation référencés par la plateforme. Depuis le 25 octobre 2022 par exemple, il est nécessaire de détenir un compte France Connect + pour accéder à la plateforme et commander une formation, autrement dit la connexion à la plateforme nécessite de créer son identité numérique La Poste.

Pour cela, pas de problème. Il suffit de télécharger l’application « l’Identité Numérique La Poste » sur son smartphone, renseignez son identifiant avec son adresse mail, définir son mot de passe, donner son numéro de téléphone, renseigner son adresse postale. Ah oui, bien évidemment une petite vérification d’identité s’impose : une vérification en face à face en se rendant à son bureau de poste (ou en prenant rendez-vous avec son facteur) ou une vérification 100 % en ligne au moyen d’une lettre recommandée AR24.

Reste à rentrer son code d’activation sur l’application, définir son code secret et le tour est joué 😊. Bon vous l’aurez compris, on est loin des 3 clics initialement prévus pour valider sa formation. D’ailleurs, le nombre d’entrées en formation a été fortement impacté par la mise en œuvre de l’authentification France Connect +.

On imagine que l’instauration d’un reste à charge pour les personnes souhaitant se former via le CPF viendra également réduire ce nombre dans les semaines à venir.

Encadrement de la sous-traitance

Parallèlement aux dispositions qui concernent les personnes (authentification ; reste à charge), les organismes de formation ont été touchés par plusieurs mesures visant à mieux encadrer le dispositif. Un grand nombre d’organismes proposant des formations créations et reprises d’entreprises ont ainsi été déréférencés ces derniers mois.

Un amendement au projet de loi de finance de 2023, déposé début octobre, est venu proposer un encadrement plus strict du recours à la sous-traitance pour les organismes proposant des formations via le CPF.

Jusqu’à maintenant, le référentiel Qualiopi imposait au donneur d’ordre de s’assurer de la conformité de son sous-traitant au référentiel Qualiopi (critère 6, point 27). Le donneur d’ordre doit être en mesure de prouver les actions et modalités mises en œuvre pour assurer la chaîne de la qualité mais le sous-traitant n’était pas tenu d’être lui-même certifié.

Certains organismes certifiés Qualiopi ont développé un business model autour de la certification. Ils proposent ainsi à des formateurs indépendants de les porter contre un pourcentage de leur chiffre d’affaires (une sorte de location de certification en quelques sortes).

Concrètement cet amendement vise à supprimer le « portage Qualiopi ».

La loi de finances 2023 met fin à cette pratique en imposant aux sous-traitants les mêmes conditions que celles exigées du donneur d’ordre afin d’être référencés sur la plateforme Mon Compte Formation. Autrement dit, un organisme de formation ne pourra plus faire appel à des formateurs indépendants qui ne seraient pas certifiés Qualiopi pour exécuter des formations CPF de leur catalogue.

Un décret en Conseil d’Etat viendra préciser les modalités de mise en œuvre de cet article mais celui-ci pourrait bien bouleverser le secteur … et profiter aux salariés portés.

Les salariés portés signent un contrat de travail avec leur entreprise de portage salarial. Il existe une relation totalement différente entre un organisme de formation qui « porte » un indépendant et une entreprise de portage et ses salariés portés. Le législateur pourrait ainsi décider de supprimer le « portage Qualiopi » mais il pourra difficilement imposer que les salariés portés soient certifiés Qualiopi. Cela n’aurait pas vraiment de sens dans la mesure où ceux-ci n’ont pas de structure juridique individuelle.

Les organismes de formation souhaitant recourir à de la sous-traitance devraient toujours être en mesure de faire appel à des salariés portés dans le cadre de formation sous-traitées (à condition que leur EPS soit elle-même certifiée). La formation devrait donc rester un des principaux domaines d’activité pour les entreprises de portage (19 % d’entre elles citaient la formation dans le top3 des activités les plus représentées au sein de leur entreprise lors du dernier rapport de branche).