Les retards de paiement : le cauchemar des indépendants

24/05/2022

Les indépendants le savent bien, exercer une activité en solo demande à être un peu touche à tout. Définir son offre, ses prix, développer son réseau, communiquer sur les réseaux sociaux, garder un œil sur sa comptabilité, se former pour rester à jour des évolutions de son marché et bien évidemment réaliser la ou les prestations finalement vendues à ses clients. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il vous faudra changer régulièrement de casquette pour réussir dans votre activité. Et parmi les casquettes que les indépendants aiment le moins endosser : celle du sérial relanceur des mauvais payeurs.

Petit tour d’horizon de la problématique des retards de paiement pour les indépendants. 


Quand arrive le premier devis ou la première facture, se pose nécessairement la question des conditions de paiement (la date d'échéance du règlement et les pénalités appliquées en cas de retard font parties des mentions obligatoires à faire figurer sur une facture).

On vous met un exemple extrait de conditions générales de vente pour le fun (oui parce que c’est clairement fun les conditions de paiement 😉) si vous en êtes à cette étape :

« Toute acceptation du devis ou du contrat donnera lieu au paiement immédiat d’un acompte de 30 (trente) %, payable par virement bancaire. Le solde, payable par virement bancaire, devra être payé à 30 (trente) jours maximum après l’émission de la facture. Toute dérogation à ces modalités de paiement devra être expressément prévue dans le devis ou le contrat.

A défaut de paiement à son échéance, des pénalités de retard seront dues sur la base du taux d’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage.  En sus de ces pénalités de paiement, le Client devra s’acquitter à l’égard de la Société d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dont le montant est fixé par décret (40 euros en 2017). Une indemnité complémentaire pourra être réclamée sur justificatif lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs aux frais forfaitaires. »

 

Sauf accord entre les parties, le délai de règlement entre entreprises est fixé à 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation. La loi croissance du 6 août 2015 a instauré un délai maximum de 60 jours à compter de la date d'émission de la facture, soit 60 jours nets de date à date. On vous conseille de partir sur 30 jours après émission de la facture.

Bref, vos conditions de paiement sont définies. Le tour est joué, il n’y a plus qu’à attendre le paiement de son client. Oui mais voilà il arrive que celui-ci se fasse attendre …

Un délai fournisseur moyen de 49 jours

Près d’un tiers des entreprises subissent des retards de paiement supérieurs aux 60 jours prévus par la loi. Selon l’observatoire des délais de paiement, le délai fournisseur (qui correspond au délai de règlement moyen aux fournisseurs) était proche de 49 jours en 2019 avec des fortes disparités selon la taille d’entreprises (68 jours pour les grandes entreprises !). Quand on sait que celui-ci a été impacté négativement par la crise du Covid, on comprend que de nombreux indépendants qui vendent leurs prestations aux entreprises aient subi des retards de paiement.  

Si les entreprises ont, pour la plupart, pris conscience des avantages que peut leur apporter le fait de travailler avec des indépendants, elles peinent encore à comprendre que le délai de paiement d’une mission est un élément clé pour beaucoup d’entre eux. On ne paye pas un indépendant comme une entreprise du CAC40. Payer un indépendant à 60 jours c’est le fragiliser, le payer au-delà, c’est inacceptable.

Certains acteurs s’en préoccupent. Ainsi Indépendants.co, néo-syndicat des travailleurs indépendants en a fait un sujet de préoccupation de sa consultation nationale. Mais en attendant que les mentalités changent, existe-t-il des solutions permettant d’être payé dans les temps ?

L’affacturage

L’affacturage permet à une entreprise de céder ses créances clients à un tiers et d’être payée sans en attendre l’échéance. Bien évidemment, une commission est prélevée et son montant dépendra en partie du partage des risques de défaut liés à ces créances. Son coût total est compris entre 5et 15 % du montant TTC des créances cédées, un montant important pour un indépendant. C’est principalement pour cette raison que peu d’indépendants y ont recours.

Le portage salarial

Parmi ses nombreux avantages, le portage salarial permet à un indépendant de percevoir une partie du montant de ses prestations facturées sans attendre le paiement de ses clients. En effet, la convention collective du portage salarial définit une rémunération minimale pour exercer en portage salarial (article 21.3).

 

21.3. Rémunération minimale

Le salaire minimum défini par la présente convention correspond à la définition d'une rémunération minimale visée par l'article L. 1254-2 du code du travail. Il intègre le salaire de base, les indemnités de congés payés et la prime d'apport d'affaire.

Ce revenu minimal brut total, contrepartie de l'activité, ne pourra être inférieur à 77 % du plafond de la sécurité sociale décomposés de la façon suivante :

– un salaire minimum payable au mois le mois défini comme suit :

– 70 % du plafond sécurité sociale pour un salarié porté junior tel que défini au chapitre IX de la présente convention ;

– 75 % du plafond sécurité sociale pour un salarié porté senior tel que défini au chapitre IX de la présente convention ;

– 85 % du plafond sécurité sociale pour un salarié porté en forfait jour.

– et une réserve financière définie comme suit :

– pour les salariés en contrat à durée déterminée, une indemnité de précarité équivalente à 10 % conformément à l'article L. 1243-8 du code du travail, qui sera versée à l'issue du contrat de travail ;

– pour les salariés en contrat à durée indéterminée, une réserve égale à 10 % du salaire de base de la dernière mission, est constituée sur le compte d'activité : elle a pour vocation de pallier la baisse substantielle de rémunération, voire son absence, pendant les périodes hors activités et de permettre aux salariés portés de sécuriser leur développement lors des périodes d'inactivité en permettant notamment de rechercher de nouveaux clients ou de nouvelles missions dans le cadre des dispositions de l'article 22.2 de la présente convention.

Ce revenu brut minimal est défini en journées ou en demi-journées si la durée du travail du salarié porté est exprimée en jours. Il se calcule par rapport au plafond horaire de la sécurité sociale si la durée du travail du salarié porté se calcule en heures.

Les périodes sans prestation réalisée auprès d'une entreprise cliente ne sont pas rémunérées.

 

Si elle fait office de barrière à l’entrée pour les indépendants qui ne sont pas en mesure de facturer plus de 200 euros HT la journée, elle permet également à un salarié porté de prétendre à cette rémunération minimale, indépendamment du règlement par son client de la prestation réalisée.

Concrètement, une entreprise de portage est tenue de verser une rémunération égale au minimum conventionnel au début du mois sur la base du compterendu d’activité. Le salarié porté perçoit un complément lors du règlement total de la facture par le client.

Le risque de défaut du client est donc partagé entre l’entreprise de portage et le salarié porté. Plus avantageux encore, certaines entreprises de portage salarial ont fait le choix d’avancer la totalité de la facture indépendamment de son recouvrement. Une belle manière de s’affranchir des délais de paiement non ?