17/01/2022
Cela fait plusieurs mois maintenant que nous donnons la
parole aux dirigeants des entreprises de portage salarial
afin de partager avec eux leurs doutes et leurs craintes, mais aussi et surtout
leurs ressources, et leurs espoirs pour demain.
Pour ce nouvel épisode, nous avons eu le plaisir
d’échanger avec David FORNER, dirigeant de STA Portage, société de portage salarial
créée en 2012.
C’est parti pour une nouvelle interview des entrepreneurs
du portage salarial !
Bonjour l’équipe du Guide !
Je suis un Breton d’origine. Concernant mon parcours, j’ai
d’abord obtenu une maîtrise en océanographie puis j’ai changé de voie en
passant un DESS spécialité « informatique », qui ne doit plus exister
tel quel aujourd’hui 😊, pour devenir développeur. J’ai travaillé
pendant 7 ans dans une société spécialiste des services aux infrastructures
puis j’ai fait un passage en ESN avant de fonder STA portage.
La raison de ce changement est une intuition. Un jour,
pendant que je courais sur les bords de Marne en écoutant la radio, j’ai
entendu parler sur BFM de sous-traitance des pilotes de ligne. Je me
suis dit que si cela touchait une population si particulière, que je
n’imaginais clairement pas sous-traitable à l’époque, c’est que ce mouvement
allait se généraliser dans beaucoup de secteurs et sur de nombreux corps de
métier.
La société était en train d’évoluer et j’ai décidé de me
mettre en mouvement avec elle en suivant mon intuition.
Si on grossit un peu le trait, le portage salarial était il
y a 15 ans destiné à des futurs cadres retraités en col blanc. L’une des
évolutions de la société que j’évoquais tout à l’heure est justement la démocratisation
du statut cadre et l’élargissement même de cette notion et de la population qui
compose cette « classification ». De nombreux cadres techniques ont
émergé, sans forcément exercer des responsabilités managériales. La frontière
entre cadres et non cadres également tend à devenir de plus en plus poreuse et
donc le portage salarial s’adresse aujourd’hui à une population beaucoup plus
large.
Certes, cette forme d’emploi n’est pas encore éligible aux
freelances qui exercent leurs activités avec des particuliers, contrairement aux
coopératives d’activité et d’emploi, mais le débat est ouvert. Ma conviction en
tant qu’entrepreneur est que le portage salarial peut convenir aujourd’hui
autant à un étudiant qu’à un retraité et je suis sûr que l’on se dirige vers un
élargissement, une extension du dispositif. Le PEPS, dont je fais partie, et la
FEPS qui est désormais représentative, vont à mon sens œuvrer en ce sens.
Il est difficile de nier que peu de gens restent encore aujourd’hui
20 ans dans la même société. La flexibilité est aujourd’hui nécessaire autant pour
les employeurs que pour les « employés ».
Et la flexibilité ne doit pas être synonyme de précarité
mais bien de sécurité, et c’est là que le portage salarial intervient : vous
avez les avantages de l’indépendance et du salariat, le meilleur des deux
mondes, en somme : la protection sociale et le choix dans les missions.
Pendant la crise, la plupart des indépendants ont dû toucher
deux fois 1 500 euros grâce au fonds de solidarité si je caricature, les
salariés portés de leur côté ont majoritairement bénéficié de l’activité
partielle au plus dur de la crise, et ce pendant plusieurs mois.
Au niveau de STA Portage, on a clairement vécu un
chamboulement, mais on a rapidement su rebondir en menant une révolution en
interne sur plusieurs fronts. On a mis en place de nouveaux process et finalisé
de nombreux projets. Finalement, on en est ressortis plus efficaces.
Nous avons automatisé tous ces process pour nous
permettre de passer un temps plus qualitatif avec nos salariés portés. Nous
sommes dans le « 100% humain », justement grâce à la mise en place d’une
plateforme entièrement digitalisée pour gérer administrativement le quotidien
de nos portés. On est allés de l’avant, comme nos freelances. Le COVID nous a
juste mis un gros coup de boost, on développait cet ERP depuis 2014, elle est
aujourd’hui en majeure partie en ligne, même si nous continuons de la
développer pour servir au mieux nos salariés portés au quotidien !
(Ndlr : Un ERP est un logiciel permettant « de gérer
l'ensemble des processus d'une entreprise en intégrant l'ensemble de ses
fonctions, dont la gestion des ressources humaines, la gestion comptable et
financière, l'aide à la décision, mais aussi la vente, la distribution,
l'approvisionnement et le commerce électronique »).
Finalement on a pas mal embauché pendant cette période afin
de développer, entre autres, cet ERP. Les embauches se faisaient en visio. On
s’est tous adaptés.
D’un point de vue économique, on a effectivement perdu 20%
de notre chiffre d’affaires dans les premiers temps du confinement, entre mars
et septembre je dirais. Nous avons récupéré notre marge entre septembre et mars
de cette année, et depuis, sincèrement, on dépasse largement nos prévisions, ça
marche très fort.
Hors aggravation de la pandémie, et donc mesures qui nous confineraient
socialement et économiquement, 2022 devrait bien se passer pour STA Portage.
Notre offre est aujourd’hui très complète et automatisée.
À titre d’exemple, on a mis en place en matière d’épargne
salariale un plan d’épargne d’entreprise (PEE) et un plan d’épargne pour la
retraite collectif (Perco).
A côté de cela nos salariés portés peuvent bénéficier de chèques
CESU (chèque emploi service universel), de chèques culture, de chèques cadeaux
(très utile pendant cette période de fêtes !), mais ils ont aussi accès à
une « plateforme CE » avec des places de cinémas et bien d’autres choses
encore…
Evidemment, et contrairement à de nombreux freelances en
micro-entreprise, ils ont aussi accès au frais de télétravail, aux heures
supplémentaires, et on a même mis en place des partenariats VIP pour les aider
à concrétiser leurs projets personnels, notamment pour leur permettre d’accéder
à la propriété.
Concrètement, on a mis en place un partenariat avec un notaire
avec un avantage soit de « timing » (réponse rapide), soit « financier »,
soit les deux ! On a également un partenariat avec un gestionnaire de
patrimoine, un courtier et un banquier. Tous les prêts demandés par nos
salariés portés ont été acceptés à l’heure où je vous parle : notre
banque, le crédit mutuel, connaît bien le dispositif, donc comprend le système
et n’a pas de préjugé avec les salariés portés. Ils connaissent la solidité du
dispositif et de STA Portage.
En fonction du projet de vie du salarié porté, on va pouvoir
lui proposer des conseils également sur la retraite et l’utilisation du
Perco, sur l’optimisation de ses frais et de sa rémunération... On accompagne nos
portés de bout en bout.
A côté de cela, nous sommes très proactifs en matière de formation
professionnelle. 99% de nos salariés portés sont dans l’IT ou managers de
transition, nous nous sommes donc rapprochés de M2I, un organisme de formation
en informatique spécialisé dans leur métier. Ils bénéficient donc de tout le
catalogue de formation M2I.
Nous mettons un budget annuel conséquent sur le plan de
développement des compétences et on utilise le FNE quand c’est possible, dans
notre secteur, c’est très important.
Nous avons bien évidemment obtenu les certifications Datadock
et QUALIOPI qui permettent aux portés de réaliser leurs prestations de
formation en bénéficiant de nos certifications.
Pour moi, comme je l’évoquais tout à l’heure, l’évolution
attendue à la fois des entrepreneurs que nous sommes, mais aussi et surtout des
salariés portés, est la possibilité pour eux de réaliser leurs prestations de
service avec des clients « particulier », et pas uniquement avec des
entreprises comme c’est le cas aujourd’hui. Les entrepreneurs salariés des
coopératives peuvent déjà le faire, je ne vois pas pourquoi le portage salarial
n’en bénéficierait pas.
Ensuite, il serait intéressant de baisser le tarif
journalier d’accès au portage salarial. Il est aujourd’hui environ à 250 euros
par jour, ce qui ne permet pas à de nouvelles professions de bénéficier du
dispositif.
L’idée est de donner la possibilité à des techniciens
réseaux par exemple d’être en portage salarial, avec des tarifs journaliers un
peu plus faibles correspondant à certains besoins du marché, par exemple 200
euros. Ce n’est pas de la précarisation, bien au contraire puisqu’ils le font
aujourd’hui à des prix plus bas en micro-entreprise, sans protection sociale,
et sans avantages ou formation professionnelle ! C’est au contraire une
sécurisation du parcours professionnel de nombreuses personnes qui souhaitent
travailler en toute sérénité.
Enfin, on constate, encore, que la majorité des lois sont faites
pour des entreprises avec un « schéma classique » de fonctionnement :
il faut créer des règles différenciées ! Les sujets comme l’AGEFIPH, l’index
égalité Hommes/Femmes n’ont aucun sens en portage salarial. Certains sujets
sont réglés et d’autres en cours, mais nous essuyons beaucoup de plâtres. C’est
très chronophage et insécurisant pour nos salariés portés, mais aussi en tant
qu’entrepreneur !
Je ne gueule jamais, donc pas de coup de gueule pour
moi ! (Rires)
Je me contenterai donc d’une citation d’Henri FORD que j’apprécie beaucoup et qui est un fil rouge pour moi en tant qu’entrepreneur : « Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes. »
sur votre activité professionnelle avec le portage salarial