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Portage salarial et dialogue social

15/03/2024

Les entreprises de portage sont des entreprises comme les autres. Et à ce titre, elles sont soumises aux mêmes obligations en matière de dialogue social. Elles doivent organiser des élections professionnelles afin de mettre en place un comité social et économique (CSE) dès qu’elles dépassent le seuil de 11 salariés en équivalent temps plein (cela a son importance en portage salarial) pendant 12 mois consécutifs. Mais concrètement, nous allons voir ensemble que la mise en œuvre du dialogue social dans les entreprises de portage salarial pose un certain nombre de questions. Petit tour d’horizon du Guide.

Une construction basée sur le dialogue social

Ceux qui découvrent le portage salarial en 2024 ne le savent probablement pas mais le dispositif a connu quelques soubresauts avant d’être sécurisé juridiquement. Et le dialogue social a joué un rôle important dans sa construction.

Dès 2006, 3 organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC) et deux organisations patronales (la CICF qui deviendra la CINOV, fédération des syndicats des métiers et de la prestation intellectuelle et le SNEPS qui fusionnera avec le FNEPS pour devenir le PEPS, première organisation patronale du portage salarial aujourd’hui) créent l’Observatoire paritaire du portage salarial (OPPS).

L’OPPS a clairement fait figure d’antichambre de la branche, bien avant sa création officielle 😊. Les partenaires sociaux ont travaillé main dans la main pour construire la forme d’emploi hybride que nous connaissons aujourd’hui.

C’est principalement ce travail qui explique la négociation record (négocier une convention collective en seulement quelques mois n’est pas vraiment habituel) et la signature unanime des organisations syndicales de la convention collective en 2017.

Pour les plus curieux, vous pouvez retrouver plus de détails sur l’histoire de la construction du portage ici.

Portage salarial : quand organiser des élections professionnelles ?

Nous l’avons dit en introduction, les entreprises de portage sont soumises aux mêmes obligations que les entreprises classiques en matière de dialogue social. Elles doivent organiser des élections professionnelles dès qu’elles dépassent le seuil de 11 salariés en équivalent temps plein pendant 12 mois consécutifs.

Mais la nature même de l’activité de portage salarial les place dans une situation particulière.

On le sait, les salariés portés sont rarement à temps plein. Selon les données du dernier rapport de branche, les salariés de la branche ont ainsi travaillé en moyenne 622 heures en 2020 (contre 1 607 heures par an pour un contrat de 35h).

Cela impacte forcément la manière de décompter l’effectif d’une entreprise de portage salarial (EPS).

La convention collective du portage salarial prévoit que le calcul de l’effectif d’une EPS tienne compte :

  • Des salariés permanents fonctionnels de cette entreprise ;
  • Des salariés portés qui ont effectué des prestations de portage salarial dans le cadre de contrats de travail conclus avec cette entreprise pendant une durée d’au moins 3 mois au cours de la dernière année civile.

Pour bien comprendre le décompte de l’effectif d’une entreprise de portage, prenons un exemple. Une entreprise avec un salarié permanent à temps plein et 22 salariés portés. Pour simplifier, disons qu’ils sont tous au sein de l’entreprise depuis plus de 3 mois. Parmi les 22 salariés, sur le dernier mois, 6 étaient à temps plein (des salariés portés en régie par exemple), 2 ont travaillé en moyenne 28 heures par semaine, 6 ont travaillé en moyenne 20 heures par semaine et 8 ont travaillé en moyenne 15 heures par semaine.

Voici le calcul du décompte de l’effectif pour le mois en cours :

1 (le salarié permanent) + 6 (les salariés portés à temps plein) + 2 * (28/35) (les salariés qui ont travaillé en moyenne 28h par semaine) + 6 * (20/35) (les salariés portés qui ont travaillé en moyenne 20h par semaine) + 8 * (15/35) (les salariés portés qui ont travaillé en moyenne 15h par semaine) = 15,4.

L’EPS dépasse le seuil de 11 salariés à temps plein sur le mois. S’il en est de même pendant 12 mois consécutifs, elle devra organiser des élections professionnelles.

Portage salarial : quelle rémunération pour les heures de délégation ?

Lorsque des salariés portés sont élus au CSE, ils bénéficient d’heures de délégation pour remplir à bien leur mandat (au moins 10 heures pour les titulaires au CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés et au moins 16 heures pour les titulaires dans les entreprises de plus de 50 salariés).

Ces heures de délégation sont considérées comme du temps effectif de travail. Un salarié classique bénéficie assez logiquement d’un maintien de salaire. Mais qu’en est-il pour les salariés portés ?

Après avoir laissé le sujet pour plus tard en 2017, les partenaires sociaux ont signé un avenant à la convention collective le 18 février 2020. Il créée l’annexe II à la convention collective et il définit les conditions de rémunération des heures de délégation pour les salariés portés élus au CSE.

Premier point important, cette annexe vient rappeler que les heures de délégation sont financées par l’entreprise de portage, sans prélèvement sur le compte d’activité du salarié porté. Autrement dit, c’est l’EPS qui finance le dialogue social via ses frais de gestion.

« Conformément à la législation, les heures de délégation et les heures de présence en réunion à l’initiative de l’employeur, notamment les réunions du CSE ou conseil d’entreprise, sont considérées comme du temps de travail effectif et doivent être rémunérées par l’entreprise de portage salarial, sans prélèvement sur le compte d’activité du salarié porté. Les heures de délégations devront être déclarées dans le compte rendu d’activité du salarié porté. »

Deuxième point, l’annexe II précise les conditions de rémunération des heures de délégation. Si elle laisse une certaine liberté de négociation aux EPS sur ce point, « les organisations signataires recommandent que cette rémunération corresponde, a minima, au plus favorable du salaire brut conventionnel de référence ou de la moyenne des salaires bruts des 6 derniers mois. »

Elle vient également rappeler que les frais engagés pour la participation aux réunions organisées par l’employeur (les réunions du CSE notamment) doivent être remboursés par l’EPS sur justificatifs, sans prélèvement sur le compte du salarié porté.

On laisse le mot de la fin aux signataires de cet avenant qui fidèles à ce qui a permis la construction du portage, « reconnaissent que le dialogue social est une opportunité pour équilibrer la relation de travail en répondant aux intérêts respectifs des salariés et des entreprises de portage salarial. Il permet également de développer la transparence, la crédibilité et la pérennité du portage salarial. »