Salaire minimum en portage salarial, de quoi parle-t-on ?

19/09/2023

Tu connais le principe du portage salarial, non ? Un consultant indépendant cherche et trouve une mission auprès d’une entreprise cliente, négocie les conditions d’exécution de la mission et se tourne vers une entreprise de portage salarial (EPS) qui le salarie. C’est ensuite l’EPS qui établit un contrat de prestation avec le client qui reprend les conditions négociées par le salarié porté (prix, durée de la mission …). Les avantages sont nombreux mais ce n’est pas le sujet du jour. Le portage est un dispositif hybride entre le salariat et l’indépendance (le meilleur des deux mondes 😉), mais la base du dispositif, c’est quand même l’autonomie du salarié dans sa recherche de client et dans sa négociation avec lui. Du coup, c’est pas un peu aberrant de parler de rémunération minimum en portage salarial ? L’équipe du Guide vous explique tout. 


La rémunération minimum en portage salarial ? Une barrière à l’entrée

On se réfère souvent à l’ordonnance de 2015 pour parler de la sécurisation du dispositif du portage. Elle définit les règles et les conditions à respecter pour chacune des parties.

Mais, figurez-vous que la rémunération minimum en portage salarial ne date pas de 2015. Elle a en effet fait son apparition pour la première fois dans un accord collectif en 2010 signé entre les syndicats et Prism’emploi, organisation patronale représentant les professionnels du recrutement et de l’intérim (alors chargé de négocier un premier accord national interprofessionnel en l’absence de branche du portage).

« Rémunération minimale

Quelle que soit la prestation de portage salarial, le salarié porté bénéficie d'une rémunération, hors indemnité d'apport d'affaires, fixée au minimum à 2 900 € bruts mensuels pour un emploi à plein temps. »

Les syndicats sont d’accords, le portage ne correspond pas à tous les métiers et à tous les profils. Historiquement, il est très lié à la prestation intellectuelle. Il est donc à l’époque convenu que le portage salarial serait réservé exclusivement aux cadres.

« Le salarié porté dispose d'un niveau d'expertise et de qualification tel qu'il s'accompagne nécessairement d'une autonomie dans la négociation de la prestation avec le client et dans l'exécution de cette prestation.

Les salariés portés ont le statut cadre. »

La CFE-CGC, syndicat représentant les intérêts des salariés cadres et agents de maîtrise ainsi que l’UGICT (la CGT Cadres), soucieux d’être cohérents et de ne pas dévaloriser le statut cadre ont poussé pour la mise en place d’une rémunération minimum assez élevée.

Finalement, c’est l’aptitude du consultant indépendant à négocier un tarif suffisamment élevé pour permettre le versement de cette rémunération mensuelle, qui valide sa capacité à être salarié porté (les notions d’autonomie et d’expertise sont par définition assez subjectives et difficiles à évaluer).

Il s’agit davantage d’une barrière à l’entrée que d’une rémunération minimum à proprement parler. Elle n’est en rien comparable aux rémunérations minimales prévues dans les autres branches d’activité. En portage salarial, vous pouvez être en CDI et ne pas percevoir de rémunération.

En effet, la convention collective du portage est très claire là-dessus : une entreprise de portage n’a pas d'obligation de fournir du travail au salarié porté. Celui-ci ne sera donc pas payé en l’absence de mission.

 

Quelle rémunération minimum en portage salarial en 2023 ?

Nous évoquions plus haut la rémunération minimale fixée à 2 900 euros bruts par mois pour un temps plein par l’accord national de 2010. Si celui-ci n’est pas passé à la postérité, c’est parce qu’il a été attaqué par Force Ouvrière et abrogé par le Conseil Constitutionnel (👉pour en savoir plus sur l’histoire du portage).

L’ordonnance de 2015 fixe quant à elle la rémunération minimum à 75 % de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale (soit un niveau proche de 2 400 euros en 2015).

« Le salarié porté bénéficie d'une rémunération minimale définie par accord de branche étendu. A défaut d'accord de branche étendu, le montant de la rémunération mensuelle minimale est fixé à 75 % de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale (…) pour une activité équivalant à un temps plein. »

La convention collective de branche reprendra 2 ans plus tard la référence au plafond de la sécurité sociale (PSS) en le fixant à 77 % de celui-ci (2 517 euros).

Fun fact (non je déconne ça intéressera sûrement que les juristes) : il est interdit de prévoir une indexation automatique sur le plafond annuel de la sécurité sociale. La faute au très sérieux article L112-2 du Code monétaire et financier : « est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties. ».

L’article 21-3 de la convention collective qui évoque cette rémunération minimale a donc été donc étendu sous réserve qu’il fasse référence au plafond de la sécurité sociale de 2017 (donc sans indexation). Concrètement cela signifie que la rémunération minimale est à l’époque bloquée à la valeur de 2017 (2 517 euros, comme évoqué précédemment) en attendant que les partenaires sociaux se mettent d’accord sur une réévaluation.

Il faudra attendre le douzième avenant à la convention collective, pour que ce sujet revienne sur la table. Les partenaires sociaux ont conservé la référence au plafond de la sécurité sociale de 2017 mais ont fait choix de baisser la rémunération minimum à 69 % de celui-ci (2 255 euros) pour faciliter l’accès au portage à plus de personnes.

On rappelle que 62 % des EPS déclaraient avoir refusé l'accès à un prospect du fait du niveau du salaire minimum de branche dans le cadre du dernier rapport de branche.

Cet avenant n’a pas encore été étendu par la Direction Générale du Travail (DGT) mais il s’applique aux entreprises adhérentes d’une organisation signataire (la FEPS et le PEPS ont signé l’avenant) ce qui signifie qu’il concerne d’ores et déjà la majorité des entreprises de portage.

Assurément une bonne nouvelle pour le secteur.