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Évolution des modes de travail : les propositions des Sénateurs

09/09/2021

La sénatrice Martine Berthet (LR) ainsi que les sénateurs Michel Canévet (UDI) et Fabien Gay (PCF) ont rendu leur rapport concernant l’évolution des modes de travail et les différents défis managériaux le 8 juillet dernier.

Ce rapport, réalisé après différentes auditions (organisations d’employeurs, organisations de salariés, juristes, RH, …), contient 15 propositions, articulées en 4 axes. Le Guide décrypte pour vous son contenu.

Créer les conditions d’une synergie pour conjuguer nouveaux modes de travail et dynamisme des territoires

Pour l’essentiel, il s’agit de coordonner l’action des acteurs, de développer les tiers lieux et de renforcer la couverture numérique sur le territoire national en orientant de manière optimale les dotations.

La mission fait ainsi le constat que le télétravail s’est massivement développé avec la crise sanitaire, « incontournable pour assurer la survie des entreprises et protéger les salariés ». Les sénateurs reconnaissent néanmoins que les emplois ne sont pas tous « télétravaillables » et qu’un tel mode de travail n’est pas évident à gérer en termes d’encadrement.

Enfin, la délégation constate une fragmentation des parcours professionnels, notamment chez les jeunes, indiquant qu’ils « changeront 13 à 15 fois d’employeurs au cours de leur vie ».

Assurer l’équité entre travailleurs

Le nombre de travailleurs indépendants s’est fortement développé, largement porté « par le succès du statut d’auto-entrepreneur » mais aussi l’apparition des plateformes. D’autres formes de travail, à mi-chemin entre le salariat classique et le travail indépendant, comme le portage salarial ou les coopératives d’activité et d’emploi connaissent également une croissance rapide ces dernières années.

Ainsi, les sénateurs constatent un « brouillage des frontières entre travail indépendant et salariat ». Ils invitent ainsi à une meilleure définition juridique du travail indépendant pour « éviter une requalification massive des contrats de prestation et par conséquent soit une remise en cause des modèles économiques des plateformes, soit un rejet du salariat par des travailleurs très attachés à leur indépendance ».

Parmi les priorités, deux sujets sont clairement identifiés : la protection sociale des indépendants (chômage et sécurité sociale), et notamment de ceux qui sont particulièrement fragiles, et la structuration du dialogue social. Un petit goût de déjà vu pour ceux d’entre vous qui ont lu nos articles sur le rapport Frouin 😊.

Encourager le développement des outils en faveur de l’emploi

Dans cet axe, 3 propositions sont faites et deux d’entre elles nous intéressent particulièrement puisqu’elles concernent des formes alternatives d’activité. Ainsi les sénateurs préconisent d’assouplir les conditions de recours au portage salarial afin d’en faire bénéficier des travailleurs moins qualifiés.

Une proposition qui n’est pas sans rappeler la proposition de Jean-Yves Frouin dans le rapport remis au gouvernement. Il proposait en effet d’assouplir la règlementation du portage salarial et de rendre obligatoire le recours à un « tiers sécurisateur » pour les travailleurs des plateformes.

Les limites du portage salarial

Une rémunération minimum.

La convention collective prévoit une rémunération minimum pour exercer en portage salarial. Un salarié porté doit être en mesure de négocier avec l’entreprise cliente une tarification lui permettant de toucher une rémunération de 77% du plafond mensuel de la sécurité sociale

 

Des critères objectifs visant à assurer l’aptitude du salarié à négocier et exercer sa mission pour l’entreprise cliente.

CRITÈRE 1 : L’AUTONOMIE

L’autonomie du salarié est caractérisée par l’aptitude à démarcher les entreprises clientes de son choix, et à définir avec elles le cadre et l’étendue de la prestation et son prix.

CRITÈRE 2 : LA QUALIFICATION

Le salarié doit justifier au minimum d’une qualification professionnelle de niveau bac + 2 ou d’une expérience significative d’au moins trois ans dans le domaine d’activité dans lequel il souhaite exercer son activité.

CRITÈRE 3 : L’EXPERTISE

Il doit disposer d’une expertise constituée d’un ensemble de compétences de savoirs et de savoir-faire spécifiques dans son domaine d’activité.

 

Des cas de recours encadrés.

Une entreprise cliente ne peut donc pas recourir à un salarié porté dans toutes les situations.

Elle peut solliciter un salarié porté pour une tâche ponctuelle ou nécessitant une expertise dont il ne dispose pas en interne.

La deuxième proposition vise à lever les obstacles au développement des groupements d’employeurs via notamment le développement d’un guichet unique pour la formation professionnelle.

Enfin, le rapport préconise la mise en place d’un plan senior, avec un allègement des cotisations sociales, un abondement du CPF,…

Accompagner le renforcement de la prévention en santé au travail

Le télétravail, l’isolement qu’il provoque, l’externalisation d’un certain nombre de tâches … ne sont pas neutres sur le plan sanitaire : « augmentation du stress, de la charge de travail, envahissement de la sphère privée par la sphère professionnelle, culpabilisation, contrôle accru, etc., telles sont les conséquences des nouvelles organisations si elles ne sont pas accompagnées d’un nouveau management adapté. »

De la même manière, les sénateurs portent également une attention sur le nécessaire suivi des chefs d’entreprises, qui assimilent l’échec de leur entreprise à l’échec de leur personne.

La Liste des propositions

Axe 1 – Créer les conditions d’une synergie pour conjuguer nouveaux modes de travail et dynamisme des territoires

Proposition 1 : Favoriser le développement des tiers-lieux dans les territoires :

  • Intégrer des objectifs de développement des tiers-lieux dans les documents d’urbanisme (SRADDET et PADD / SCOT) ;
  • Orienter, vers le soutien de tiers-lieux, la Dotation d’Equipement des Territoires Ruraux (DETR) et la Dotation de Soutien à l’Investissement Local (DSIL) ;
  • Encourager les projets de tiers-lieux mixtes public/privé pour une gouvernance efficiente au service de l’emploi ;
  • Encourager la location des tiers-lieux basée sur un loyer évoluant progressivement en fonction du chiffre d’affaires ;
  • Inciter les Maisons France Services à développer des espaces de coworking et à accompagner les travailleurs indépendants.

Proposition 2 : Mobiliser les opérateurs et l’Arcep pour faire de la couverture numérique du territoire une urgence absolue, et donner la priorité à la desserte numérique des tiers-lieux.

Axe 2 – Assurer l’équité entre travailleurs

Proposition 3 : Lancer une mission de réflexion relative à la définition juridique du travail indépendant, au-delà des plateformes numériques.

Proposition 4 : Trouver les moyens de structurer et garantir un dialogue social avec l’ensemble des représentants des travailleurs indépendants, afin d’assurer l’équité et la cohérence des avancées économiques et sociales relatives au travail indépendant.

Propositions 5, 7, 8 et 13 : Demander au Gouvernement des études d’impact chiffrées, reposant sur des simulations fines, pour évaluer :

  • Le rattachement des travailleurs indépendants au régime général de sécurité sociale (proposition 5) ;
  • L’homogénéisation de l’assiette des cotisations et de la CSG, afin d’établir une meilleure équité en termes de retours sur le prélèvement social entre indépendants et salariés, et de simplifier e calcul des cotisations (proposition 7) ;
  • L’extension des exonérations de charges sur les bas salaires aux revenus des travailleurs indépendants (proposition 8) ;
  • Les pistes d’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants (proposition 13).

Proposition 6 : Assouplir les conditions d’accès à l’assurance volontaire individuelle contre les risques d’accidents du travail et maladies professionnelles pour les revenus les plus modestes, et assurer sa promotion auprès de tous les publics concernés.

Proposition 12 : Élargir les conditions d’accès à l’allocation travailleurs indépendants (ATI) afin de protéger davantage de travailleurs indépendants du chômage.

Axe 3 – Encourager le développement des outils en faveur de l’emploi

Proposition 9 : Assouplir les conditions de recours au portage salarial afin d’en faire bénéficier des travailleurs moins qualifiés.

Proposition 10 : Lever les obstacles au développement des groupements d’employeurs :

  • Prévoir la possibilité de prise en charge, par l’AGS (régime de garantie des salaires), des créances salariales en cas de défaillance d’entreprises membres d’un groupement d’employeur ;
  • Simplifier de façon définitive la comptabilisation des effectifs, qui aujourd’hui sont évalués de 4 façons différentes selon les interlocuteurs administratifs ;
  • Instituer, au sein de France Compétences, un guichet unique pour les groupements d’employeurs afin de simplifier la prise en charge des formations par les opérateurs de compétences (OPCO) et la connaissance de ces acteurs ;
  • Fixer des objectifs d’accompagnement des groupements d’employeurs dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) des OPCO.

Proposition 11 : Instaurer un « Plan Senior » qui comprendrait :

  • Un allègement des cotisations sociales à l’embauche d’un travailleur âgé, notamment dans la perspective d’une transmission intergénérationnelle et réciproque des savoirs ;
  • Un abondement par l’État du compte personnel de formation (CPF) des seniors pour financer des formations aux nouvelles technologies (télétravail, etc.) ;
  • La formalisation d’un plan de gestion des emplois et des compétences (GPEC) entre les OPCO et les PME afin de rendre possible le congé mobilité des seniors dans les petites et moyennes entreprises.

Axe 4 – Accompagner le renforcement de la prévention en santé au travail

Proposition 14 : Organiser une campagne d’information des travailleurs indépendants et des dirigeants d’entreprise sur la nouvelle offre de suivi médical.

Proposition 15 : Renforcer les formations des managers et leur sensibilisation aux risques de santé dans le contexte des nouveaux modes de travail.