Quels prélèvements sur la rémunération des salariés portés ? Un casse-tête en passe d’être résolu !

12/11/2019

Alors que la question des prélèvements sur la rémunération des salariés portés fait encore débat, le guide du portage est parti à la rencontre des principaux acteurs des négociations en cours pour vous proposer un éclairage.

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Le portage salarial, comme de nombreuses autres formes d’emploi (l’intérim, les coopératives d’activité et d’emploi, les groupements d’employeurs, les contrats d’appui au projet d’entreprise…) est né de la pratique, le législateur venant, sur le tard, encadrer ce dispositif.

Après plus de 30 ans d’existence, c’est paradoxalement au moment de son histoire où le portage salarial est le plus sécurisé, que les entreprises du secteur se doivent d’être de plus en plus précises dans leur communication. C’est le revers d’une médaille dont le bon côté est le développement et la reconnaissance du dispositif par de plus en plus de personnes et d’entreprises, qui le voient aujourd’hui comme une vraie solution en matière d’emploi et de recrutement.

À l’origine des polémiques, certaines pratiques d’entreprises de portage salarial, en matière d’imputation de charges, qui sont venues jeter le discrédit sur l’ensemble du secteur.

Les partenaires sociaux de la branche, soucieux de remédier au problème, avaient déjà entamé une première phase de clarification avec l’avenant du 23 avril 2018 (voir ci-dessous). Ils ont démarré l’acte 2 de la négociation, au printemps, avec pour objectif de mettre fin définitivement aux polémiques sur le sujet.

Le Guide du Portage Salarial est allé à la rencontre de plusieurs négociateurs pour mieux comprendre les objectifs de cette négociation. Retour sur les principaux enjeux de ce nouvel et, espérons-le, dernier acte.


Petit rappel de la polémique de la surfacturation des charges en portage salarial

Nous avons déjà eu l’occasion de faire un point sur ce sujet, il y a près d’un an. Mais pour bien en comprendre les tenants et les aboutissants, une rapide explication du fonctionnement de la rémunération des salariés portés peut-être utile.

Quand l’entreprise de portage salarial perçoit un paiement de la part d’un client d’un de ses salariés portés, la somme est versée sur ce que l’on appelle dans le portage salarial : le compte d’activité. Chaque salarié porté a un compte d’activité qui lui est propre. Avant le versement de sa rémunération nette en portage salarial, un salarié porté se voit prélever des cotisations salariales et patronales, auxquelles s’ajoutent les frais de gestion et éventuellement d’autres frais et charges, directement liés à son activité, comme par exemple le paiement de son assurance responsabilité civile professionnelle (RCpro).

Certaines entreprises de portage salarial ont été critiquées pour avoir fait apparaître, sur les fiches de paye des salariés portés, ces frais et charges qui, traditionnellement, n’y figurent pas. Pour autant, dans ce cas précis, le dommage pour le salarié porté est inexistant.

Plus problématique est la pratique de certaines entreprises de portage qui auraient prélevé des frais non directement liés à l’activité de leurs salariés portés (eau, électricité, frais généraux), surfacturé des taxes existantes (CVAE) ou, facturé des taxes fictives, afin d’améliorer leurs marges au détriment des salariés portés.

C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux avaient ouvert la négociation d’un premier avenant sur le sujet. Ils ont décidé de finir le travail commencé il y a près d’un an.

 

Second acte de la négociation sur la rémunération des salariés portés : que disent les négociateurs ?

Pour Cyril GARCIA, secrétaire général du PEPS (organisation patronale représentative du secteur) et négociateur pour la partie employeur, le premier avenant négocié en 2018 « répondait à la question du quoi » autrement dit, il convenait de se mettre définitivement d’accord sur : « ce qu’une entreprise de portage salarial peut prélever aux salariés portés en matière de charges ».

Ce premier avenant a permis « de fixer trois blocs sur le sujet » pour plus de clarification avec déjà, à l’époque, « l’engagement d’aller plus loin dans un second temps ».

Pour rappel, l’avenant n°2 du 23 avril 2018 acte le principe d’un financement, par les salariés portés, des impôts et charges liés directement à leur activité.

« Les prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges, auxquelles est soumise l’entreprise de portage salarial, étant liés à l’activité directe du salarié porté, ne sont donc pas couvertes par les frais de gestion versés à l’entreprise de portage salarial ».

Les organisations syndicales et patronales représentatives du secteur ont également listé ces impôts et charges afin d’encadrer les pratiques du secteur.

Ces prélèvements sociaux et fiscaux et autres charges, intégralement financés par le salarié porté, se composent notamment de :

  • autres contributions sociales obligatoires diverses réglées par l’entreprise de portage salarial notamment la médecine du travail et l’AGEFIPH ;
  • prélèvements sociaux et fiscaux notamment la CVAE (contribution sur la valeur des entreprises), C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) ;
  • autres charges qui couvrent les salariés portés, leurs activités, leurs biens et leurs avoirs, et tout autre risque et service lié à l’activité du salarié porté.

Avec ce deuxième avenant, « nous essayons désormais de répondre au comment » c’est-à-dire, à la manière dont ces charges seront imputées sur la rémunération des salariés portés « les deux sujets étant évidemment corrélés ».

Selon Jean-Pierre GENDRAUX, négociateur pour la CFDT, le premier avenant a été l’occasion de « traiter un certain nombre de points importants sur le sujet des différents prélèvements opérés sur la rémunération des salariés portés et, de commencer le travail de clarification ».  Même si ces pratiques illégales ne concernent en réalité « qu’une minorité d’entreprises de portage », il était important « d’envoyer un premier signal fort afin de redonner confiance aux salariés portés ».

« Nous savions que nous devions aller plus loin, raison pour laquelle nous nous sommes remis autour le table des négociations, avec les organisations syndicales et le PEPS, pour définitivement mettre fin à ce genre de pratiques ».

Pour ce salarié porté depuis plus de dix ans, l’objectif de cet accord est : « de donner en amont l’information la plus claire possible aux salariés portés sur le montant qu’ils vont percevoir à la fin du mois et, par ailleurs, de faire un récapitulatif des différents types de prélèvements, tous les ans par exemple. Les services ont nécessairement un coût, et une entreprise qui affiche des frais de gestion très bas, forcément, cela peut questionner ». Selon le négociateur CFDT, « l’important, ce n’est pas tant les frais de gestion affichés par certaines entreprises, que le montant total des prélèvements. Et cela, afin de connaître ce qui reste en net à la fin du mois au salarié, mais aussi bien sûr, les différents services proposés par les entreprises de portage salarial ».

Les partenaires sociaux semblent en phase, en tout cas sur les grands principes, ce que confirme Emilie BRUN-JOUINI, négociatrice de branche pour la FIECI CFE-CGC, pour qui « la négociation s’articule autour de plusieurs enjeux ». Le premier est celui « d’une meilleure lisibilité, pour les salariés portés, du fonctionnement de leur rémunération, grâce à une plus grande transparence et un meilleur accès à l’information, leur permettant d’anticiper plus précisément le montant de leur rémunération par rapport au chiffre d’affaire encaissé ».

Pour Emilie BRUN-JOUINI, un deuxième enjeu est celui de « la comparaison entre les entreprises de portage salarial qui doit être facilitée par une meilleure information sur les prestations et les services rendus ». Objectif de la négociatrice du syndicat de l’encadrement, elle-même salariée portée : « permettre de favoriser les entreprises qui pratiquent le mieux-disant en matière de services et de droits sociaux (complémentaire santé, retraite, formation…) et pas uniquement celles qui affichent des montants des frais de gestion très bas. »

Le premier avenant est toujours en cours d’extension auprès de la DGT. Malgré cela, les partenaires sociaux n’ont pas voulu attendre, prenant les devants pour décrire la manière dont ces charges pourront être prélevées. Pour Cyril Garcia, il s’agit de « s’assurer que dans toutes les entreprises de portage salarial, les salariés portés seront en capacité d’anticiper ces prélèvements et donc, de savoir combien ils percevront par rapport à leur chiffre d’affaires ». Selon lui, cette négociation se résume à trois grands enjeux : « transparence, information et pratiques saines, entre les salariés portés et les sociétés de portage salarial ».

Question calendrier, plusieurs séances sont déjà prévues d’ici la fin de l’année 2019 et, un groupe de travail spécifique a été mis en place « pour traiter des questions juridiques complexes ». Si tout le monde espère ouvrir à la signature un avenant pour la fin de l’année, « le plus important reste le fond et, d’apporter des solutions pérennes aux salariés portés » selon la CFE-CGC, même si selon la CFDT « une signature d’ici la fin de l’année serait idéale en matière d’opérationnalité, d’autant qu’il y a le temps de l’extension de l’accord auprès de la DGT ».

Gageons que d’ici la fin de l’année, une solution satisfaisant l’ensemble des acteurs soit trouvée et que, la page de « la surfacturation des charges » soit enfin définitivement tournée.