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Portage salarial : Un des acteurs historiques en redressement judiciaire

20/06/2023

Ceux qui nous suivent le savent, nous sommes régulièrement amenés à commenter l’actualité du secteur. Et aujourd’hui, ce n’est pas avec gaîté de cœur que nous abordons la situation de Ventoris, en redressement judiciaire depuis le 12 avril dernier. Alors que se profile le verdict du Tribunal de commerce sur une éventuelle liquidation, le Guide fait un point sur la situation.

Ventoris, un acteur historique du portage salarial

Le portage fait son apparition à la fin des années 80 sous l’impulsion d’associations d’anciens cadres. En constatant la difficulté des cadres seniors au chômage à retrouver un emploi classique, des associations d’anciens cadres ont imaginé un système qui permettrait à leurs adhérents de réaliser des missions de prestations de services sans avoir à s’immatriculer en tant qu’indépendants, tout en bénéficiant du statut de salariés. Le portage salarial est né.

L’encadrement juridique du portage salarial est assez récent au regard de son ancienneté.

2015 et 2017 sont deux années marquantes pour le dispositif. Pour la première fois, les règles du jeu du portage salarial sont définies clairement et reconnues par le législateur avec l’ordonnance du 2 avril 2015.

Mais les partenaires sociaux ne veulent pas en rester là. S’ensuit l’ouverture de négociations qui aboutiront sur une signature unanime de la convention collective et la création de la branche du portage salarial.

👉Consulter le décryptage de l’ordonnance

👉Consulter le décryptage de la convention collective

On comprend que dans l’entre-deux (Fin des années 80 à la période 2015/2017), les quelques pionniers du secteur ont longtemps évolué dans un environnement incertain. Le portage que l’on connaît aujourd’hui est né de la pratique et doit beaucoup à ces entrepreneurs qui ont pris des risques et fait bouger les lignes (ITG, JAM, Ad’missions ou encore AGC ont tous été créé avant les années 2000).

Ventoris, créé par Franck Marcq il y a près de 20 ans, fait également partie des structures historiques du secteur.

Aujourd’hui, Ventoris c’est 10 sociétés (Human Ressources Group, Joined Up!, Linksecur, Transversal Consulting France, Ventoris Solutions, Ventoris Consulting, Ventoris IT, Ventoris Services, Ventoris, Yourtheboss!), une activité principalement centrée sur le portage (même si le groupe possède également une entreprise de travail à temps partagé) et un chiffre d’affaires de près de 30 millions d’euros.

Le groupe a été placé en redressement judiciaire le 12 avril dernier par le Tribunal de commerce de Bordeaux. Une annonce surprenante moins d’un an après l’acquisition de Sud Convergences et Webportage. Une annonce qui laisse surtout des centaines de salariés portés dans l’incertitude.

Des questions en suspens pour les salariés du groupe

Concrètement, une entreprise est placée en redressement judiciaire lorsqu’elle n’est pas en mesure de faire face à ses échéances de paiement. La procédure peut être déclenchée à la demande des dirigeants, d’un créancier ou du ministère public.

La décision du Tribunal de commerce est suivie d’une période d’observation pendant laquelle est nommée un administrateur chargé d’examiner la situation de l’entreprise et de trouver des solutions pour sauver l’entreprise d’une faillite ou d’un arrêt définitif de son activité : via une reprise partielle ou totale de l’activité ou un plan de redressement par exemple.

Nous saurons bientôt ce que cette période va donner dans le cas du groupe Ventoris. En attendant, cette situation, une première pour un groupe de cette taille dans le portage, pose un certain nombre de questions par rapport aux spécificités du secteur.

Comment fonctionnerait la garantie financière en cas de liquidation judiciaire ?

L’ordonnance du 2 avril 2015 prévoit qu’une entreprise de portage doit justifier à tout moment d’une garantie financière en mesure de couvrir le paiement des salaires et accessoires, des indemnités de rupture ainsi que des cotisations afférentes à ces sommes (Article L1254-26 du Code du travail). Cette garantie est fixée par décret à 10 % de la masse salariale n-1 de l’entreprise. Cela veut dire qu’en cas de défaut de paiement d’une société de portage, ses salariés portés peuvent activer cette garantie et que le paiement de leurs salaires, indemnités de ruptures et le paiement des cotisations afférentes sont garanties dans la limite du plafond couverts par la garantie.

Oui mais concrètement ? Comment activer cette garantie ? Comment l’assureur choisit-il les salariés portés qui seront indemnisés ? Certains des contrats de garantie financière que nous nous sommes procurés semblent fonctionner sur le principe suivant : premier arrivé, premier servi. Les sommes versés aux premiers salariés portés ayant activer cette garantie viennent réduire le montant global de la garantie jusqu’à ce que celle-ci soit égale à 0.

Quelle est la nature des sommes inscrites sur les comptes consultants pour les AGS ?

Le régime de la garantie des salaires (AGS pour Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés) permet de garantir le paiement des sommes dues aux salariés (principalement les salaires mais cela peut aussi concerner les préavis ou les indemnités de rupture par exemple.) en cas de de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Financée par une cotisation patronale obligatoire pour tous les employeurs, l’AGS joue un rôle d’amortisseur social pour les salariés de l’entreprise en difficulté.

La garantie de paiement des salaires est limitée à un plafond fixé en fonction de l’ancienneté du contrat de travail au jour de l’ouverture de la procédure collective (voir tableau ci-dessous en cas de procédure de redressement judiciaire).

En dessous de ce plafond, les sommes dues aux salariés sont donc couvertes.

Mais pour les salariés portés, quid des sommes laissées sur le compte consultant en attente d’affectation ? Seront-elles logiquement considérées comme du salaire ?

On le voit bien, le redressement judicaire de Ventoris pose un certain nombre de questions. Le portage salarial est un dispositif hybride. De nombreuses dispositions légales ont été adaptées à son fonctionnement (non-obligation de fournir du travail aux salariés portés, non prise en compte des salariés portés dans le calcul des effectifs d’une EPS pour fixer le seuil d’assujettissement à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés …). D’une certaine façon, la situation pourrait donc bien servir de jurisprudence pour le secteur. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de son évolution dans les prochaines semaines.