La saga de la contestation de la convention collective du portage salarial prend fin !

21/11/2019

Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 6 novembre 2019, déboute la FEPS de sa demande d’annulation de l’arrêté portant extension de la convention collective de la branche du portage salarial. Le guide revient pour vous sur une saga entamée il y a plus de deux ans.

saga contestation de la convention collective du portage

Toute série, bonne ou mauvaise, a une fin. Celle de la tentative de remise en cause par la Fédération des entreprises de portage salarial (FEPS) de la convention collective des salariés portés s’achève par un happy end pour le secteur.

Le Conseil d’Etat a en effet décidé dans sa décision du 6 novembre 2019 de mettre fin à une saga qui durait depuis près de deux ans, en rejetant toutes les demandes de l’organisation patronale.

En exclusivité, nous vous amenons dans les coulisses de cette histoire haletante.

 

L’histoire d’une organisation qui ne voulait pas de la branche, mais un peu quand même

Tout commence en 2016, avec une initiative du PEPS, organisation patronale représentative du secteur. Le PEPS invite à cette époque les organisations syndicales de salariés (OS), représentatives au niveau national (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC), à se réunir pour créer, ensemble, une convention collective de branche du portage salarial. Organisation membre de l’Observatoire Paritaire du Portage Salarial (OPPS) au côté des organisations syndicales de salariés, le PEPS s’attèle en effet depuis plusieurs années à bâtir un dialogue social constructif, préalable à la réussite d’une telle initiative.

Quelques semaines plus tard, premier rebondissement. Certaines organisations syndicales de salariés (OS) sont à nouveau approchées pour les mêmes raisons, mais cette fois par une autre organisation patronale : la toute récente fédération des entreprises de portage salarial, la FEPS. Si la démarche surprend alors, la FEPS ayant fortement critiqué l’accord collectif négocié par les partenaires sociaux en 2010 en évoquant une « invraisemblance économique » qui « dénature tout ce qui faisait l’intérêt le portage salarial en termes de souplesse et de facilité d’exercice », ce n’est pas ce qui a prévalu à la décision de certaines organisations syndicales de ne pas accepter la main subitement tendue.

Les OS, rompues aux négociations, font en tout de suite fait remarquer à la FEPS que la convention collective de branche ne pourra être étendue, c’est-à-dire applicable à l’ensemble des salariés et des entreprises du secteur concerné, que si l’organisation patronale signataire est considérée comme représentative. Outre les critères liés à l’audience, l’indépendance ou encore la transparence financière, une organisation patronale doit disposer d’une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation pour être représentative. Or, la FEPS ne disposait pas d’une ancienneté de deux ans sur le sol français à cette époque. Si la Fédération européenne de portage salarial existait bien depuis plus de deux ans, la fédération des entreprises de portage salarial, membre de la première organisation, n’avait vu ses statuts déposés sur le sol français qu’en décembre 2015.

C’est notamment pour cette même raison que la FEPS n’a pas été initialement invitée aux négociations entre le PEPS et les OS.

Après 4 mois, ces négociations aboutissent à la fameuse signature unanime en mars 2017, avec une extension de la convention collective en avril de la même année. La saga aurait pu s’arrêter là, mais la FEPS n’avait pas dit son dernier mot !

Faute d’avoir pu participer à la création de la convention collective, la FEPS décide une fois celle-ci signée, et étendue par le ministère du travail, de la contester ! Plus précisément, elle en conteste l’extension afin que celle-ci ne lui soit pas applicable. Ce qui aurait pu créer une distorsion de concurrence entre les entreprises du secteur, mais aussi des droits différents pour les salariés portés suivant leur entreprise de portage …

C’est ainsi que commence la saison 2, entre une volonté farouche de la FEPS de rendre inapplicable la convention collective, et un désir tout aussi ardent de participer aux négociations de branche. Un des épisodes marquants de la saison fut la tentative de la FEPS de s’assoir « de force » à la table des négociations en entrant dans les locaux où se tenait une réunion de négociation avec un huissier.

Si cette stratégie peut sembler paradoxale, elle n’a en tous cas pas porté ses fruits d’un point de vue procédural. Les tribunaux, de première instance avec le TGI en référé
comme le Conseil d’Etat, ont en effet donné tort à l’organisation.

 

Un dénouement attendu, mais positif pour le secteur

Pour demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté d’extension du ministère du travail (en date du 28 avril 2017), la FEPS avait avancé de nombreux arguments, tous écartés par le Conseil d’Etat.

Si la plupart des arguments ne laissaient que peu de place au doute quant au verdict de la Haute Cour administrative, quelques-uns, par leur côté extravagant, avaient le mérite d’ajouter un peu de piquant à l’intrigue !

Ainsi, la FEPS contestait par exemple l’extension au motif qu’elle n’avait pas été invitée à la négociation, alors qu’elle était, selon elle, représentative dans le secteur ! La réponse du Conseil d’Etat, est sans appel :

(…) il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la signature de la convention, le 22 mars 2017, la requérante, qui a déposé ses statuts le 19 décembre 2015, ne remplissait pas le critère d’une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, appréciée à compter de la date de dépôt légal des statuts, prévu à l’article L. 2151-1 du code du travail.

Ensuite, elle invoquait le fait que le PEPS n’était pas plus représentative qu’elle ! Se basant cette fois sur un autre critère, celui de l’audience. Certes, celle-ci ne sera réellement calculée qu’en 2021, après ce que l’on appelle la fin du cycle électoral des élections professionnelles (élection du CSE). Mais il est en réalité impossible d’avoir ce chiffre lorsqu’une branche se créée, les élections professionnelles n’ayant jamais eu lieu dans le secteur nouvellement constitué. Pour la Haute juridiction administrative, pas de débat une fois de plus : on ne saurait déduire de la non-mesure de l’audience du PEPS au moment de la négociation que celle-ci n’était pas représentative.

Et la démonstration continue, dans une décision qui fera date en ce qu’elle vient mettre fin à une intrigue qui n’avait que trop duré, et qui risquait de lasser même les plus fidèles spectateurs. Gageons que l’avenir du secteur ne soit désormais plus le théâtre de ce type d’affrontement, mais seulement celui d’une construction vers un objectif commun : celui de son développement.