La FEPS dans la branche du portage salarial
La Fédération des Entreprises de Portage Salarial (FEPS) affirme être une organisation patronale représentative dans le portage salarial. Elle déclare être un acteur majeur du secteur avec un nombre de salariés portés, un nombre d’entreprises de portage et un chiffre d’affaires quelque peu optimiste. Derrière ces « effets d’annonce » et cette stratégie de communication, qu’en est-il réellement ? Analyse du Guide du Portage.
Sur la question de la représentativité, la messe est dite : la FEPS n’est pas représentative dans la branche du portage salarial. C’est ce que confirme l’ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI), en date du 4 avril, déclarant irrecevable la demande du FEPS de siéger à la tabledes négociations. Cette décision n’est que la conséquence d’une application stricte de la loi.
Retour sur un feuilleton commencé il y a plus de cinq ans, à l’issue prévisible.
La FEPS : les dessous de l’histoire
Après avoir été exclu du PEPS (organisation patronale représentative du secteur) en avril 2013, suite à des agissements jugés non conformes à la charte de déontologie du syndicat (la décision d’exclusion a été prise à l’unanimité
des membres du syndicat), Guillaume Cairou, président-fondateur de Didaxis, crée la Fédération Européenne du Portage Salarial (FEPS). Il est rejoint par l’UNEPS (Union Nationale des Entreprises de Portage spécialisé) qui promeut un portage entrepreneurial décomplexé.
Rapidement deux visions du portage radicalement opposées s’affrontent.
La FEPS critique l’accord collectif négocié avec les partenaires sociaux en 2010 en évoquant une « invraisemblance économique » qui « dénature tout ce qui faisait l’intérêt le portage salarial en termes de souplesse et de facilité d’exercice ».
De son côté, le PEPS déclare que cet accord pose « les bases du futur encadrement du portage salarial », permettant « d’installer durablement la profession dans le paysage économique Français ».
Si l’on sait que l’accord collectif de 2010 n’est plus, et qu’il était nécessaire qu’il évolue pour s’adapter aux mutations économiques de notre société, il n’en a pas moins posé les jalons de la co-construction et du dialogue dans le secteur.
Il a d’ailleurs servi de référence lors de la négociation de la convention collective de 2017.
La Fédération des Entreprises de Portage Salarial (avec le même acronyme FEPS), adhérente de la fédération européenne des entreprises de portage salarial, a quant à elle été créée en décembre 2015 par les mêmes fondateurs.
Le temps a passé, mais les acteurs ont-ils tant changé ?
La FEPS et les partenaires sociaux : un dialogue difficile
Les dernières Assises du portage salarial organisées récemment par la Fédération des Entreprises de Portage Salarial (FEPS) en ont été une démonstration : la FEPS et les organisations syndicales peinent à se comprendre.
La stratégie de l’organisation est en effet peu lisible. Prônant la mise en place d’une norme AFNOR valorisant les bonnes pratiques dans le secteur du portage salarial, certaines de ses entreprises membres ne seraient en conformité ni avec la
loi, ni avec la convention collective selon certains membres de la CFDT présents aux Assises.
Il faut dire qu’avec les organisations syndicales, la « cosmétique » ne prend pas. Ils se souviennent que la FEPS a critiqué l’extension de l’accord de 2010 (fruit de mois, voire d’années de négociation) et contesté la convention collective portage salarial de 2017, avant d’y adhérer une fois l’action perdue devant le juge…
Une tentative de passage en force contre-productive
À l’ouverture des négociations de la convention collective (décembre 2016), la Fédération des Entreprises de Portage Salarial (FEPS) ne remplissait pas le critère d’ancienneté des deux ans fixés par la loi pour participer aux négociations.
Elle a malgré tout essayé de s’imposer à la table des négociations à plusieurs reprises.
La convention de branche des salariés portés a été signée le 22 mars 2017 par les partenaires sociaux, puis étendue par la Direction Générale du Travail (DGT) le 28 avril 2017.
Après avoir exercé un recours devant le Conseil d’Etat qui a échoué pour contester son extension, la FEPS a décidé d’adhérer à la convention collective fin 2017.
Malgré cette adhésion, la FEPS ne pouvait toujours pas participer aux négociations. En effet, seules les organisations déjà représentatives qui adhèrent à un accord peuvent ensuite siéger à la table des négociations.
Le PEPS, signataire de l’accord, était donc la seule organisation patronale légitime à pouvoir négocier pour les entreprises du secteur.
Face au refus des parties prenantes à la négociation d’accepter la FEPS, pour des raisons juridiques et de principe, elle a donc tenté de s’imposer à une séance de négociation en venant avec un huissier. L’objectif était de faire constater le refus qui lui était opposé de participer aux discussions pour ensuite saisir le TGI en référé afin d’obtenir gain de cause.
Le tribunal a rendu sa décision le 4 avril dernier : la FEPS n’est pas représentative dans la branche du portage salarial et n’est donc pas habilitée à prendre part aux négociations.
Une décision du tribunal sans surprise
La décision du tribunal de grande instance de Paris est claire :
Contrairement à la lecture qu’en fait la FEPS, les dispositions précitées de l’article L.2261-4 du code du travail exigent de manière suffisamment explicite que les organisations syndicales d’employeurs ou de salariés qui désirent rejoindre
cette convention collective et participer à sa gestion ne peuvent être que des organisations syndicales d’ores et déjà représentatives dans le champ d’application de cet accord collectif.
Or, ce n’est pas au juge du TGI de décider de la représentativité ou non d’une organisation :
Il n’est effectivement pas contestable, d’une part que la FEPS n’est pas une organisation patronale représentative dans la branche professionnelle qu’elle occupe (ce qu’elle ne conteste
d’ailleurs pas), et d’autre part qu’il n’entre pas dans les compétences d’attribution de la juridiction des référés de l’ordre judiciaire d’exercer une appréciation sur la représentativité d’une organisation syndicale salariale ou patronale, cette question relevant du seul pouvoir d’appréciation du Ministère du travail sous le contrôle éventuel des juridictions de l’ordre administratif (ce que la FEPS ne conteste pas davantage).
Personne ne sait aujourd’hui si la FEPS remplit tous les critères fixés par loi pour être considérée comme représentative, notamment celui de l’audience : les chiffres déclarés par la FEPS ne sont confirmés par aucune données officielles.
Cette décision marque un coup d’arrêt dans la communication de la FEPS.
Rendez-vous en 2021, avec le résultat des élections professionnelles du premier cycle électoral dans le portage salarial et le calcul de la représentativité patronale.
DROIT DE RÉPONSE DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DE PORTAGE SALARIAL (FEPS)
Paris, le 19 juin 2019 :
Votre article du 20 mai 2019 comporte de nombreuses inexactitudes et contre-vérités à l’encontre de la Fédération des Entreprises de Portage Salarial (FEPS), affirmant qu’elle serait présomptueuse quant à sa représentativité réelle et qu’elle aurait tenté d’en obtenir la reconnaissance anticipée par une action judiciaire.
La FEPS tient à rétablir les faits suivants :
- Si le PEPS est à ce jour la seule organisation patronale siégeant à la Commission paritaire de la convention collective du portage salarial, il ne peut se prévaloir d’être représentatif au sens de la loi.
- Ni le PEPS, ni la FEPS n’ont vu leur représentativité mesurée par le Ministère du travail. La première enquête de représentativité patronale de la branche doit avoir lieu en 2021.
La FEPS a déjà mis tout en oeuvre pour satisfaire l’intégralité des critères légaux et agir en organisation patronale représentative. La FEPS est ainsi pleinement confiante sur la reconnaissance officielle à venir de sa qualité d’organisation patronale représentative du portage salarial et souhaite que le PEPS y parvienne également.
C’est d’ailleurs animée d’un esprit de dialogue respectueux de la pluralité des idées que la FEPS a toujours invité les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, PEPS compris, à sa tribune.
Aussi, la FEPS regrette être la cible de telles allégations, estimant qu’elles ne sont pas à la hauteur des enjeux et attentes placées dans les acteurs du dialogue social du secteur du portage salarial.
Patricia GUIGNARD, Présidente de la FEPS
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