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La réforme de l’Assurance Chômage : où en sommes-nous ?

18/11/2021

Ces derniers mois, nous avons eu l’occasion à plusieurs
reprises de vous parler de la réforme de l’assurance chômage :

Nouveau
report de l’assurance chômage

Assurance
chômage : le point sur une réforme controversée

Force est de constater qu’il n’a pas été simple ces derniers
mois de suivre l’application de la réforme. Entre reports du fait de la crise
sanitaire, publications successives de décrets venant modifier les règles et suspension
par le Conseil d’Etat, impossible d’y voir clair sans être expert du sujet.

A l’approche de la fin de l’année, essayons de démêler tout cela  .

Le point sur la situation en deux épisodes.

Les étapes précédentes

En 2017, les partenaires sociaux
signent une nouvelle
convention d’assurance chômage, déterminant les règles du système. Les
organisations d’employeurs comme les organisations de salariés jugent alors que
le texte est « équilibré ». Ce dernier porte alors notamment sur les
conditions minimales d’affiliation au régime ou une régulation confiée aux
branches pour les contrats courts.

Durant cette même année, Emmanuel
Macron devient président de la République. Dans
son programme, il porte notamment « l’universalisation » de
l’assurance chômage aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires, mais
également l’instauration d’une gouvernance tripartite (État – Organisation
patronale – organisation salariée) de l’Unédic.

Dans le cadre du projet du
gouvernement – qui reprend les propositions du candidat, les partenaires
sociaux sont invités à négocier un accord national interprofessionnel. Ceux-ci
arrivent à un
accord le 22 février 2018, dont les mesures sont reprises dans la Loi pour
la liberté de choisir son avenir professionnel. Elles concernent notamment
l’ouverture de l’assurance chômage aux indépendants et aux démissionnaires.

Mais, au cours de l’été 2018 et à
la surprise générale devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, le
président de la République décide de rouvrir les discussions relatives aux
règles de l’assurance chômage. Celui-ci estime alors que les règles de
l’assurance chômage ont pu « involontairement encourager le développement
de ce qu’on appelle la permittence et de la précarité 
». Lors de
l’accord de février, les partenaires sociaux avaient renvoyé aux branches le
soin de se positionner sur le sujet de la lutte contre les contrats courts.

Après la réception du document de
cadrage en septembre 2018, demandant a minima 3 milliards d’euros d’économie
sur 3 ans, les partenaires sociaux entament leur discussion. L’objectif est
également de travailler sur la question des contrats courts et du retour plus
rapide à l’emploi. En parallèle, plusieurs déclarations du Président de la
République, indiquant le retour du bonus-malus – que le document de cadrage ne
mentionnait pas – viennent quelque peu perturber les organisations patronales.
Les négociations sont d’ailleurs interrompues de ce fait au début de l’année
2019.

En fin de compte, les discussions
n’aboutissent pas sur cette question des contrats courts : en février
2019, les partenaires sociaux laissent donc à l’État le soin de fixer par
décret les nouvelles règles du système.

Le président de la République
ironise alors sur l’échec de ces négociations, braquant alors un peu plus les
partenaires sociaux. La réforme de l’assurance chômage commence donc dans une
atmosphère tendue.

 

Les décrets de 2019

Lors de son deuxième discours de
politique générale, en juin 2019, le Premier Ministre d’alors, Édouard
Philippe, dévoile les objectifs de la réforme : la lutte contre les
contrats courts (avec le bonus-malus sur plusieurs secteurs et l’activité
réduite), la dégressivité et la place des partenaires sociaux.

Ces annonces donnent lieu à
plusieurs décrets dont les deux premiers paraissent au journal officiel le 28
juillet 2019. Le premier porte sur les conditions de l’ouverture de l’assurance chômage aux
travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires. Le second porte sur les modalités d’indemnisation des demandeurs
d’emplois : la convention d’assurance chômage de 2017 est alors abrogée.
Au-delà, il modifie la durée minimale d’affiliation, la période de référence
d’affiliation et de calcul, et le calcul du salaire journalier de référence,
instaure la dégressivité et la mise en place d’une modulation des contributions
chômages employeurs (le « bonus-malus »). Plusieurs recours sont
déposés devant le Conseil d’Etat par la CF-CGC, FO, la CGT et Solidaires.

Au 1er novembre 2019,
entrent en vigueur les mesures suivantes :

  • L’ouverture des
    droits : un demandeur d’emploi devra avoir travaillé 6 mois sur les 24
    derniers mois pour avoir accès à l’allocation ;
  • Les droits
    rechargeables sont alignés sur les conditions de l’ouverture des droits ;
  • La dégressivité
    est mise en œuvre à partir du 7ème mois pour les demandeurs d’emploi
    de moins de 57 ans dont la rémunération antérieure était supérieure à 4500€
    bruts ;
  • Les
    démissionnaires ont droit à l’assurance chômage s’ils ont travaillé au moins 5
    ans et s’ils ont un projet professionnel dont le caractère réel et sérieux est
    apprécié par la commission régionale Transition Pro ;
  • Les
    indépendants ont droit à l’assurance chômage s’ils remplissent les 4 conditions
    cumulatives : une activité ininterrompue pendant 2 ans, être à la
    recherche d’un emploi, avoir des revenus antérieurs supérieurs ou égaux à
    10 000€, justifier d’autres ressources inférieures au montant du RSA.

Le bonus-malus est censé entrer
en vigueur à compter du 1er janvier 2021 et viser 7 secteurs
(agro-alimentaire, hébergement et restauration mais aussi transports
notamment). Si le taux de contribution « normal » des employeurs
reste fixé à 4,05%, celui-ci peut varier en fonction d’un taux de séparation
constaté en 2020, c’est-à-dire le nombre de séparations imputées à l’entreprise
divisé par l’effectif total de celle-ci durant l’année. Le taux de contribution
est néanmoins fixé dans une fourchette comprise entre 3% et 5,05%. Un taux de
séparation de 150% est déterminé pour sélectionner les secteurs visés. Plusieurs
fédérations patronales introduisent un recours devant le Conseil d’État.

Par ailleurs, deux autres sujets
viennent compliquer les relations entre l’État et les partenaires
sociaux : l’accroissement du financement de Pôle Emploi par l’Unédic (+1
point de ses ressources, soit 370 millions €), et la question de la
revalorisation des allocations chômage (la prérogative est alors retirée des mains
de l’Unédic pour être confiée au ministère du travail).

 

Le temps de la crise sanitaire

Au début de l’année 2020, la
crise sanitaire occupe les esprits. Elle va rebattre les cartes sur différents
points, mais ne reviendra pas sur l’intégralité de la réforme, et notamment les
mesures portant sur les indépendants et les démissionnaires.

Dès le début du mois de mars,
plusieurs organisations syndicales demandent le report de la 2ème
vague de mesures de la réforme, celle-ci devant entrer en vigueur le 1er
avril. L’un des points importants de cette nouvelle salve concerne le calcul de
l’indemnisation. Au 1er mai, les premières applications de la
dégressivité doivent avoir lieu.

Le 16 mars, la ministre du
Travail, Muriel Pénicaud, annonce que « la réforme de l’assurance
chômage a été conçue dans un contexte qui n’a rien à voir avec ce que l’on vit aujourd’hui
 » :
elle indique alors que le nouveau calcul du salaire journalier de référence et
la question de la durée d’indemnisation sont reportés en septembre 2020. Le décret du 27 mars 2020 confirme ses propos.

De plus, les demandeurs d’emploi
en fin de droit recevront la même indemnité en avril qu’en mars, ce que vient
préciser l’ordonnance
du 25 mars 2020
« portant mesure d’urgence en matière de revenus de
remplacement mentionnés à l’article L.5421-2 du code du travail
».

Le 14 avril 2020, un nouveau
décret prévoit un certain nombre de mesures. Ainsi, la période entre le 1er
mars et le 31 mai :

  • Allonge la
    durée de la période d’affiliation (24 mois + ces 3 mois) ;
  • Est neutralisée
    dans le calcul de la durée de droit et du salaire journalier de référence ;
  • N’est pas pris
    en compte dans le calcul de la période pour l’application de la dégressivité.

Par ailleurs, le texte prévoit un
allongement du délai de forclusion (durée pendant laquelle il est possible
d’exercer une action en justice) et de nouveaux cas de démissions légitimes.

Au début de l’été 2020, une
conférence sociale réunit les partenaires sociaux et le nouveau gouvernement.
Celle-ci porte sur l’ensemble du champ social. Sur les questions de l’assurance
chômage, il est décidé à cette occasion par le gouvernement de reporter un
certain nombre de mesures au 1er janvier 2021 par décret :

  • La période
    d’affiliation entre août et décembre 2020 portent sur 4 mois travaillés durant
    les 24 derniers mois. A compter du 1er janvier, les conditions
    repasseront à 6 mois travaillés durant les 24 derniers mois (comme ce qui
    existait depuis novembre 2019) ;
  • De la même
    manière, les droits rechargeables sont alignés sur les conditions d’ouverture
    des droits, soit 4 mois.
  • La modification
    du calcul des indemnités est reportée au 1er janvier 2021, tout
    comme la dégressivité.

Après une nouvelle vague de
coronavirus et une seconde conférence sociale, en octobre 2020, l’entrée en
vigueur des mesures ci-dessus est reportée au 1er avril 2021. Avec
le nouveau confinement, les droits des demandeurs d’emploi en fin de droit sont
prolongés.

 

Au Conseil d’État, une nouvelle bataille s’ouvre

Lorsque le décret de 2019 est
pris, six recours ont été déposés par les partenaires sociaux (CFE-CGC, CGT et
Solidaire, FO, Plastalliance, ainsi que deux autres déposés par deux autres
« groupes » d’organisations d’employeurs) devant le Conseil d’État.

Dans sa décision
du 25 novembre 2020
, la juridiction indique qu’il résulte des nouvelles
modalités de calcul du salaire journalier de référence « une différence
de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt
général poursuivi
 ». En effet, le montant des indemnités pouvait
varier du simple au quadruple en fonction de la répartition des périodes
d’emploi durant la période de référence d’affiliation.

Concernant le bonus-malus, le
Conseil d’État rejette la majorité des demandes des organisations d’employeurs.
Néanmoins, la juridiction remet en cause le bonus-malus, car la détermination
du taux de séparation n’était pas suffisamment encadrée et « procédait
à une subdélégation illégale 
». Un arrêté n’étant pas suffisant, il
fallait ainsi recourir aux décrets.

Concernant les autres points,
notamment la dégressivité et les conditions d’affiliation, le Conseil d’État
rejette les différents griefs qui étaient faits.

Quelques jours après la décision,
un nouveau projet de décret remet sur la table la question du
bonus-malus : il ne s’agit dorénavant plus de passer par arrêté mais bien
par décret. Un arrêté devra, quant à lui, préciser les secteurs concernés. La
date d’application, initialement prévue début 2021, est reportée au 1er
janvier 2022, avec une première modulation en mars 2022. Sauf que, lorsque le
décret est effectivement publié, la question du bonus-malus a disparu, posant
la question de sa mise en œuvre effective en 2022.

Enfin, le temps de solutionner la
question du calcul du SJR, les modalités applicables sont celles de la
convention d’assurance chômage de 2017.

Pour résumer, à la fin de l’année
2020 :

  • Le bonus-malus
    a disparu ;
  • Les modalités
    de calcul du SJR sont celles de la convention de 2017 ;
  • La dégressivité
    s’applique à compter du 1er avril 2021 ;
  • La durée
    minimale d’affiliation est maintenue à 4 mois, jusqu’au 1er avril
    2021 ;
  • Les périodes
    correspondant aux deux confinements neutralisés dans la période de référence
    d’affiliation ;
  • L’accès à
    l’assurance chômage pour les salariés ayant démissionné dans le cadre d’une
    mobilité professionnelle qui n’a finalement pas eu lieu est facilité.